Moscou et Pékin considèrent que les projets liés au déploiement du système américain THAAD sur la péninsule coréenne vont au-delà des besoins réels de défense des pays concernés, ont déclaré vendredi à Pékin les ministres russes et chinois des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov et Wang Yi.
Les préoccupations de la Russie, qui a déjà vu des pays situés à proximité de ses frontières occidentales accueillir des installations du bouclier antimissile américain, sont tout à fait compréhensibles. Quant à la Chine, le système THAAD rendra pratiquement totalement perceptible les tirs éventuels de ses missiles balistiques.
Or, la mise en place de ce système risque d'augmenter les tensions politiques et inciter à une course aux armements dans la région.
"La réaction de la Chine pourrait se traduire par le déploiement supplémentaire de systèmes à moyenne portée, voire de missiles balistiques tactiques. La Russie, elle aussi, déploiera dans les zones situées à portée du système THAAD des systèmes de missiles de type Iskander. Leur champ d'action peut atteindre 500 kilomètres. Je pense que la Corée du Nord ne s'y opposera pas. Les scénarios de riposte sont nombreux, y compris diplomatiques. La Chine pourra adopter des mesures économiques, voire perturber le marché des titres du Trésor américain", estime-t-il.
Il n'est pas à exclure que Moscou et Pékin examinent des scénarios conjoints de riposte. Ainsi, il était récemment annoncé que les deux pays s'apprêtaient à tenir des exercices assistés par ordinateur afin de travailler l'action conjointe en matière de protection des territoires russe et chinois des frappes de missiles balistiques ou de croisière.
Quoiqu'il en soit, le déploiement du THAAD sur la péninsule coréenne débouchera inévitablement à une course aux armements et augmentera le taux de confrontation politique. Et il ne faut pas exclure que Séoul s'y joindra, selon Vladimir Evseïev, directeur du Centre d'études socio-politiques.
"Le Système THAAD complétera le système antimissile naval Aegis dont dispose la Corée du Sud. Mais ce n'est pour le moment qu'une approche de la création d'un système sérieux. Au fur et à mesure de l'installation d'ogives nucléaires sur les missiles coréens de type Musudan (qui suivra, ndlr), la Corée du Sud sera obligée de se tourner vers la création d'un système antimissile plus sérieux (…) pour assurer la dissuasion stratégique", a-t-il expliqué.
Or, si la Russie et la Chine parviennent à dissuader les Etats-Unis de déployer le système THAAD sur la péninsule coréenne, ce scénario ne sera plus d'actualité.