C'est la mosquée de la discorde à Nice. En effet, Christian Estrosi, maire Les Républicains de la ville, tente de bloquer l'ouverture de la mosquée de l'Institut En-Nour, dont la construction s'est pourtant étalée de début 2012 à novembre 2015.
Ce projet, qui pourrait accueillir jusqu'à 250 fidèles, avait été lancé en 2002 par le prédécesseur de M. Estrosi, M. Peyrat. L'actuel exécutif de la ville refuse de reconnaître cette mosquée comme un lieu de culte, car depuis l'élection en 2008 de M. Estrosi, il n'a délivré aucune autorisation à ce bâtiment pour servir de lieu de culte. En parallèle, le projet pour un nouveau lieu de prière sera présenté cette semaine par le maire.
Autant de conditions non remplies, selon M. Estrosi, puisque cette mosquée ne serait pas "soutenue par des représentants de la communauté musulmane" de la région, mais financée par des fonds étrangers; il s'avère que le propriétaire du bâtiment n'est autre que le ministre saoudien des Affaires Islamiques, Cheikh Saleh ben Abdel Aziz Al-Cheikh. Selon le maire de Nice, ce dernier "prône la charia et a annoncé qu'il fallait détruire toutes les églises de la péninsule panarabique".
La légitimité de la mosquée de l'Institut En-Nour est donc au cœur du débat et les protagonistes se renvoient la balle.
L'opposition qui campe à la droite de M. Estrosi a aussi de nombreux griefs à faire valoir. C'est le cas de M. Philippe Vardon, conseiller régional Front national de la région PACA. M. Vardon explique en quoi cette mosquée pose un problème de par son financement, et en quoi M. Estrosi se contredit:
L'attitude de M. Estrosi ne relève pas seulement de la contradiction, mais aussi de la récupération. Les oppositions municipales de droite et de gauche se rejoignent au moins sur ce point.
"Cette mosquée, il faut la situer, elle est au cœur de l'ancienne circonscription de Christian Estrosi, celle-là même où, suite à la démission à cause du cumul des mandats, se tiendra une élection partielle dans désormais moins d'un mois. On comprend bien qu'Estrosi essaye ainsi de rassurer sans doute une partie de son électorat le plus droitier.
Il faut quand même arriver à suivre, il s'oppose à cette mosquée alors que sa municipalité en a autorisé les travaux et que lui-même avait rencontré les musulmans qui en étaient responsables… Là où ça devient encore plus compliqué, c'est qu'aujourd'hui Christian Estrosi, il l'a annoncé hier, entend s'opposer à cette grande mosquée en en créant une autre. Pour s'opposer à cette mosquée, Christian Estrosi explique qu'il va lui-même porter un projet pour l'implantation d'une mosquée à l'ouest de la ville, et il s'agira d'ailleurs, il le dit lui-même, d'un complexe beaucoup plus développé encore, qui permettra, et je le cite, de limiter aussi les abattages clandestins, il souhaite l'agrémenter d'un abattoir halal."
Dans le monde politique, comme dans la vie, tout n'est pas noir ou blanc. Boubekeur Bekri, vice-président du Conseil régional du culte musulman en Paca, reconnaît la confusion de la situation, et ne voit pas pourquoi le maire s'oppose à la mosquée, alors que la préfecture a clairement posé des conditions pour son ouverture.
"Il est porteur du projet en tout cas ils l'ont dit, ils sont convaincus que ce n'est pas la raison. L'opposition municipale également le dit et Monsieur le Préfet des Alpes Maritimes avance quant à lui le fait qu'il a refusé de signer la décision de sécurité publique parce qu'il pense qu'elle pourrait être entachée de détournement de procédure. C'est-à-dire en fait que le sentiment que c'est les porteurs du projet ou l'opposition de la municipalité ou Monsieur le Préfet, c'est que l'opposition de Monsieur le Maire à la construction de ce lieu de culte ne repose pas sur des arguments convaincants. À juger des déclarations du passé comme du présent, il semblerait qu'effectivement on n'est pas loin des considérations politiques."
Mais au final, cette mosquée sera-t-elle acceptée telle quelle? Ou le projet de M. Estrosi d'un autre lieu de culte sera-t-il approuvé?
Une approche pragmatique, que suivent la plupart des représentants de la communauté musulmane de la région. Le choix du lieu de culte devra venir de l'entente entre autorités publiques et fidèles. Mais M. Estrosi, qui risque son siège de député, ne l'entend pas de cette oreille et a fait de cette mosquée son cheval de bataille.
M. Estrosi ne devrait pas oublier qu'il a été élu. En voulant jouer avec le feu saoudien, il vient de se brûler les mains. Respecter la volonté des électeurs et du préfet lui donnerait davantage de légitimité, que cela soit avec ou sans la mosquée de l'Institut En-Nour.
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