Le Brésil d'aujourd'hui semble être au bord d'une crise politique majeure, et la situation dans le pays y joue un rôle non négligeable. Les parlementaires, ceux qui ont voté pour la destitution de Dilma Rousseff, sont eux-mêmes souvent condamnés: en 2015, on a déjà vu son opposant Neves appeler à manifester alors que lui-même avait été mis en cause dans l'affaire Petrobras. Sans oublier le président du Congrès inculpé pour corruption.
"Les personnes qui sont en train de porter l'accusation sont les mêmes personnes qui sont accusées de corruption", reconnaît le co-responsable Amérique Latine Commission Internationale du Parti de Gauche, Christian Rodriguez, dans un entretien à Sputnik. "Et là je crois qu'il y a quelque chose autour d'une tentative permanente, un travail judiciaire acharné contre le Parti du travail, contre Dilma et Lula da Silva parce que c'est le cas de l'actuel président de la Chambre des députés (…). Ce n'est pas d'un jour à l'autre qu'on va dire: au revoir, Dilma".
Selon M. Rodriguez, le processus même est assez compliqué parce qu'il faut d'abord voter, ensuite voir si cette accusation est constitutionnelle ou pas. Il y a trois des cinq juges de la Cour suprême qui ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord sur les accusations que portent la demande.
Et derrière cela il y a des médias, une opération coup d'Etat civil, deux millions de personnes qui ont manifesté en faveur de la justice pour la présidente… Mais on oublie qu'en 2014 il y avait huit millions de personnes qui ont pris, au référendum populaire, la décision de convoquer une Constituante pour réformer le système politique et — aucune suite à cette mobilisation, rappelle M. Rodriguez.
"Il faut dénoncer ce coup d'Etat juridique avec l'ensemble des illégalités avérées", insiste-t-il. "Nous soutenons bien sûr la présidente mais il faut aller plus loin, il faut se positionner pour une pratique légale d'intrusion juridique au service de l'intérêt public de la république et non au service de l'intérêt du Globo et de la droite la plus réactionnaire".
Et puis, globalement, qu'est-ce qui est reproché à Dilma Rousseff, qu'est-ce qui a plongé le pays dans le chaos d'aujourd'hui?
"D'une façon très étonnante on n'a pas encore la liste des accusations", affirme l'interlocuteur de Sputnik. "Ce que nous avons c'est des manœuvres assez spectaculaires, celui d'aller chercher Lula chez lui, lui mettre des menottes, mais quelles sont les preuves à charge? Où sont-elles? C'est ça que j'aimerais bien savoir".
Dans le même temps, plusieurs personnes dans la classe politique s'emploient à tirer profit de la pratique courante de corruption. Il est difficile donc d'imaginer que la destitution de Dilma Rousseff puisse sauver le pays d'un tel fléau.
"Dans ce cas ce qu'il faut faire c'est appeler à une modification de la Constitution et à des élections, à des élections ouvertes où on va demander au peuple de trancher parce qu'il y a des preuves de la corruption avérée de l'ensemble de la classe politique, c'est l'opposition aujourd'hui qui est en train de jouer l'exclusion politique de la présidente", estime M. Rodriguez.
Tous les discours de haine de la part des groupes privés d'information font partie de la stratégie, poursuit-il. Et il est temps que Mme Rousseff clarifie son rôle de présidente et fasse appel au peuple pour un changement de la Constitution et pour un renouvellement entier de toutes ces chambres des députés".
Mais qui sont ces gens qui soutiennent Dilma Rousseff? C'est le peuple qui dit qu'il faut régler vite cette affaire mais on ne doit pas toucher à nos acquis sociaux et économiques, on ne doit pas aller vers la privatisation de Petrobas, on ne doit pas aller vers la privatisation de tous nos acquis sociaux.
"Donc on voit bien encore une fois cette contradiction permanente qu'on voit en Argentine, qu'on voit au Venezuela, qu'on voit aujourd'hui au Brésil", explique M. Rodriguez. "Qu'est-ce qu'elle veut cette droite réactionnaire? C'est de détruire les acquis qu'ils ont eu pendant 10-15 ans notamment depuis l'arrivée de Lula, et aujourd'hui le peuple, c'est le peuple qui est dans une stratégie: avançons, avançons mais touchez pas. Et c'est un coup d'Etat civil".
Curieusement, il est aussi flagrant que les médias prennent parti dans la destitution de Dilma Rousseff.
"Mais qui sont les médias?", s'interroge M. Rodriquez. "Il y en a deux. C'est O Globo. Et l'autre que je ne vais pas le nommer ici, ce sont les plus grands. O Globo fait partie du même groupe qui dirige El Pais, qui dirige Le Monde. Vous voyez bien que ce groupe de la communication international, ils ont des intérêts. Donc moi j'appelle vraiment à la pluralité de l'information".