Un coup de froid entre Washington et Ankara: non seulement l'ombre d'un doute a plané sur la possibilité d'une rencontre officielle entre les deux dirigeants lors du déplacement de Recep Tayipp Erdogan aux Etats-Unis, qui plus est le président Obama a critiqué la politique d'Ankara vis-à-vis des médias.
En dessinant son projet d'un Grand Moyen-Orient "américain", le président Obama, arrivé au pouvoir en 2009, avait placé ses espoirs dans la Turquie d'Erdogan. Il la voyait devenir un modèle de "mariage réussi entre le pluralisme, l'économie de marché et les valeurs traditionnelles".
Avec l'avènement des printemps arabes, "la Turquie aurait pu entrainer dans son sillon l'ensemble des pays de la région", indique l'expert.
Or, la Turquie a évolué de plus en plus vers un modèle de "démocratie communautaire" et "illibérale".
"Aujourd'hui, la nouvelle Turquie d'Erdogan ne se veut plus seulement comme une puissance occidentale. Elle se veut autre. On le voit à la façon des Américains de la traiter — plus comme une puissance occidentale, mais comme un pays avec lequel il faut s'accommoder", poursuit M.Josseran.
Alexandre Del Valle, essayiste franco-italien, chercheur, consultant international en géopolitique considère de son côté que le président turc a profité du soutien de l'Occident pour venir à bout de ses adversaires politiques. Quant à la démocratie, ce n'était qu'un outil.
"Son but a toujours été d'utiliser la démocratie formelle pour opérer une révolution anti-kémaliste chez lui, détrôner ceux qui sont pour la laïcité, en utilisant le droit européen et l'allié américain comme bouclier contre un ennemi interne", dit l'analyste qui est convaincu qu'aujourd'hui M.Erdogan est en train de mettre en œuvre un plan d'une Turquie néo-ottomane: "rétablir la Turquie dans sa vocation de l'empire islamique".
D'ailleurs, dans les années 2000, avant d'arriver au pouvoir, Erdogan avait dit que "la démocratie est un moyen et pas une fin". C'est comme un métro, on s'arrête à la station qu'on veut. Ce qu'il fallait démontrer.