Selon l'une des versions, après les attaques de Bruxelles, les terroristes de l'Etat islamique entendent continuer à semer le chaos en Europe, en torpillant la crédibilité des autorités auprès de la population et en occupant le vide du pouvoir ainsi formé, estime Scott Atran, observateur du site The Daily Beast.
"Les attentats perpétrés mardi à Bruxelles ne sont qu'un élément de toute une série d'attaques de plus en plus efficaces, destinée à semer le chaos en Europe et à liquider ainsi la +zone grise+", écrit M.Atran, anthropologue franco-américain, spécialiste du terrorisme.
Et de préciser que l'expression "liquider la zone grise" provenait d'un éditorial de Dabiq, édition en ligne de l'EI.
Selon les djihadistes, la "zone grise" signifie la position adoptée par la majorité des musulmans entre les vues modérées et radicales. L'expert explique que les propagandistes de Daech s'emploient à faire en sorte que l'Etat islamique occupe le vide partout où le chaos règne déjà, notamment sur une bonne partie du Sahel et du Sahara.
Là où le chaos ne s'est pas encore instauré, les terroristes doivent le créer pour occuper ensuite le vide ainsi formé. C'est justement le scénario choisi par Daech pour l'Europe. Par ailleurs, M.Atran rappelle la publication djihadiste parue en 2004 sous le titre "Gestion de la sauvagerie" (Idārat at-Tawaḥḥuš) qui, comme l'article du la "zone grise", constitue une sorte de guide "spirituel" pour les chefs de Daech.
Ces deux textes appellent notamment à s'attaquer à des endroits vulnérables, dont des zones touristiques, et à épuiser les ressources des "infidèles" en compromettant ainsi la foi de la population en la capacité du gouvernement de garantir la sécurité.
Ces publications exhortent aussi à inciter les masses à rejoindre les régions sous contrôle de l'EI, en liquidant ainsi la "zone grise" entre les fidèles et les infidèles, ou à séduire les musulmans modérés afin de grossir les rangs des radicaux.
L'expert suppose que l'EI planifie une attaque coordonnée dans de nombreuses villes européennes afin d'accélérer le processus de liquidation de la "zone grise".
Selon ce dernier, l'Occident doit dans ces conditions accueillir chaleureusement les réfugiés syriens fuyant le chaos au lieu de les rejeter d'un bloc. Il insiste également sur la lutte militaire contre l'EI dans la principale zone de concentration de djihadistes. M.Atran juge en outre nécessaire d'opposer à la propagande de l'EI des initiatives susceptibles d'intéresser les masses et de les détourner des "idéaux du djihad".
"L’Etat islamique séduirait en France un jeune sur quatre. Parce que ces jeunes y trouvent ce que nos sociétés n’offrent plus, soit le frisson lié au combat pour une cause qui leur fait croire qu’ils ont un pouvoir sans limites, un pouvoir divin", a écrit l'expert en amont.
Et de rappeler que Daech maîtrisait bien les instruments de publicité, en terrorisant et fascinant l’opinion publique.
"A tel point que ce mouvement que tout le monde ignorait il y a encore quelques mois est devenu aujourd’hui le premier sujet des préoccupations générales et politiques. Pour un temps, elle relègue au second plan la nucléarisation de l’Iran et de la Corée du Nord et la menace d’une prolifération des armes nucléaires", a-t-il relevé.
L'EI fait tout pour attirer des milliers d’immigrés musulmans d’Occident désœuvrés, et des millions d’autres qui, retournés au pays, n’y ont trouvé que frustration politique et désillusion économique.
Les attentats de mardi dans l'aéroport et le métro de Bruxelles ont fait 31 morts et 270 blessés, selon un dernier bilan officiel communiqué mercredi par le parquet fédéral belge.