La contrebande de 20.000 clés USB avec les derniers films américains peut sembler un moyen peu efficace pour renverser le régime nord-coréen, mais c'est exactement ce que l'organisation Flashdrives for Freedom essaie de faire, rapporte le journal britannique The Guardian.
Bien que des sanctions plus sévères contre Kim Jong-un soient entrées en vigueur après ses récents essais nucléaires, le projet espère montrer aux Nord-Coréens la culture populaire du monde en dehors des frontières de leur pays pour dénoncer le régime.
Ce projet a été lancé par Human Rights Foundation (Fondation des droits de l'Homme) et Silicon Valley non-profit Forum280. Les organisateurs ont demandé aux Américains de donner leurs clés USB superflues. Les activistes vont ensuite charger sur ces clés une sélection de films et d'émissions télévisées, avant de les envoyer en contrebande en Corée du Nord.
Bien que ce ne soit pas le premier projet visant à faire passer de l'information en Corée du Nord en contrebande, les activistes affirment qu'il est nécessaire de le soutenir et de faire participer les citoyens nord-coréens.
Selon Tong Kim, qui s'occupe des relations diplomatiques des États-Unis et de la Corée depuis plus de 25 ans, les sanctions internationales ne font qu'isoler de plus en plus les Nord-Coréens.
"D'abord, ces sanctions exercent une influence négative sur la prospérité des citoyens du pays, ensuite, elles affectent le pouvoir nord-coréen, focalisé sur l'amélioration de son arsenal nucléaire" écrit-il dans le journal Korea Times.
Sharon Stratton, chargée du programme au sein du Centre stratégique de Corée du Nord (North Korea Strategy Centre – NKSC) qui aide à distribuer les clés USB, affirme que la culture populaire des autres pays est un moyen puissant pour atteindre les citoyens nord-coréens.
"Il y a une demande réelle d'émissions étrangères, de films et de musique", explique-t-elle.
"Des drames sud-coréens, par exemple, mettent en évidence la liberté dont les Sud-Coréens jouissent, ajoute Sharon Stratton. Parmi les films les plus demandés, il y a Hunger Games, ainsi que la série américaine Desperate Housewives.
Un contrebandier basé dans la ville nord-coréenne de Musan, qui a demandé à garder l'anonymat, affirme que ce projet est "extrêmement populaire" parmi ses concitoyens.
Cet homme aide à faire passer des produits étrangers en contrebande depuis des années. Selon lui, les documentaires pédagogiques sur la façon de gérer une entreprise sont particulièrement les bienvenus, car ils offrent une vision alternative du monde extérieur, contredisant la propagande du gouvernement du pays.
"L'exemple des pays capitalistes développés est vraiment utile. Au moment où le reste du monde fait des affaires, la majorité des Nord-Coréens travaillent dans des kiosques au bord de la route. Ils ont besoin d'informations sur la gestion des entreprises ou des start-up", souligne-t-il.
Sharon Stratton affirme que son association ne met pas de fichiers trop critiques à l'égard du régime de Kim Jong-un sur les clés.
"Cela ne ferait que renforcer le stéréotype selon lequel le monde extérieur veut détruire la Corée du Nord. Si nous faisions cela, cela voudrait dire que la propagande dit la vérité, ce qui ne correspond pas à nos objectifs. Nous essayons de responsabiliser la société nord-coréenne, pas de l'aider ", dit-elle encore.
Bien qu'ils soient coupés du monde, les Nord-Coréens trouvent toujours la possibilité de s'informer, souvent à l'aide de contrebandiers, de différents activistes et d'ONG.
Un large éventail de méthodes de contrebande d'information en Corée du Nord a été utilisé par les activistes, y compris l'envoi de lecteurs multimédias portables et de ballons contenant des informations. Il y a eu également une action officielle de Silicon Valley, baptisée "Hack North Korea" (Pirate la Corée du Nord!).
Les organisations telles que NKSC satisfont une demande croissante en diffusant du matériel qui est ensuite vendu au marché noir dans le pays.
"Nous travaillons avec tous les milieux nord-coréens, des marchands pauvres qui traversent la frontière sino-coréenne aux personnes qui sont au plus haut niveau de la société", précise Sharon Stratton.
Sharon Stratton espère changer la façon dont certains Américains voient les Nord-Coréens.
"Vous ne rencontrerez jamais la personne qui a reçu votre clé USB, mais vous pouvez être sûr que quelqu'un sera plus heureux grâce à elle", conclut-elle.