Cette agence devrait recevoir la licence d'opération par la Banque Centrale de Russie dans la semaine du 21 au 25 février. Cette nouvelle n'a pas fait les grands titres des journaux en France et en Europe, et c'est regrettable. Car, avec cette création, c'est le monde très fermée des agences de notations qui va se trouver bouleverser, et même plus encore.
Un acte significatif
Il n'en est rien. Car, le développement de cette agence correspond au contraire à une réaction contre les manipulations politiques auquel s'est livré le gouvernement américain depuis environ 18 mois, et qui ont entraîné entre autres la baisse de la notation de la dette souveraine de la Russie. Car, ce sont des manipulations politiques qui ont affecté la notation de cette dette souveraine. En effet, la solvabilité du pays est bien connue de l'ensemble des acteurs. Ces attaques contre la Russie, mais aussi contre des grandes sociétés russes, qu'elles soient publiques ou privées, ont été essentiellement politiquement motivées. Or, la valeur de la notation détermine largement le taux d'intérêt auquel un Etat, ou une grande société, peut emprunter.
La réaction des autorités russes
La gouvernement russe a donc décidé d'exiger que les filiales russes des agences prennent désormais comme « superviseur » la Banque Centrale de Russie et qu'elles se soumettent à ses règles. Les agences, et en particulier Moody's et Fitch ont décidé de fermer leurs filiales russes, pour ne pas risquer de tomber sous des procédures américaines, suite aux sanctions financières que ce dernier pays a pris contre la Russie. Standard & Poor's continue de négocier avec la Banque Centrale de Russie, mais il est probable qu'en tout état de cause elle imitera les deux autres agences et finira par fermer sa filiale russe. Il en résulte que le « marché » de l'audit et de la notation en Russie est perdu pour ces agences, et que celui-ci sera acquis par la nouvelle agence ACRA. De manière moins spectaculaire, le même processus est en train de se produire en Chine.
Le début de la dé-globalisation financière?
Loin de constituer un signe de « bonne santé » du marché mondial, il faut donc comprendre l'émergence d'une agence russe, et d'une agence chinoise, comme le début d'un processus de fragmentation politique de ce marché. A terme, d'ici quelques années, les dettes russes ou chinoises ne seront plus notées que par une agence russe ou chinoise. La volonté d'un investisseur de diversifier son portefeuille deviendra donc un « choix » politique, en particulier dans la confiance qu'il aura dans ces institutions. De fait, on peut penser que cela va largement interrompre les flux internationaux de capitaux.
L'annonce de l'entrée en opération de l'agence de notation russe pourrait donc bien être le signal d'une « dé-globalisation » de la finance, qui se ferait pour des raisons au départ politiques, mais qui trouverait dans des raisons économiques les raisons de s'enraciner.
(1) Rodrik D., "Why Did Financial Globalization Disappoint?" (with A. Subramanian), IMF Staff Papers, Volume 56, Number 1, March 2009, 112-138.
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