Le retrait des forces russes de Syrie s'inscrit dans un contexte de multiplication des initiatives du Kremlin relatives à la politique étrangère, écrit Benjamin Wirtz, professeur d'histoire-géographie dans un éditorial pour Boulevard Voltaire.
"Le 14 mars, Sergueï Lavrov n'a pas manqué d'assurer son homologue tunisien du soutien de la Russie alors même que la Tunisie, confrontée à la montée du mouvement islamique Ennahdha, est menacée par le chaos libyen et la montée du djihadisme dans son étranger proche africain, comme en Côte d'Ivoire", juge-t-il.
Et d'ajouter que parallèlement le président Poutine soutient le Maroc dans l'affaire du Sahara occidental, donnant à cette monarchie l'espoir d'une stabilité.
Une nouvelle politique méditerranéenne de la Russie est en train de se former, considère M.Wirtz. Désormais, le Kremlin peut s'appuyer sur son expérience en Syrie pour rassurer ses partenaires nord-africains et proche-orientaux sur la fermeté de sa parole donnée. Ceci étant dit, la stratégie russe obéit à "la logique d'un triple containment", estime-t-il.
"D'abord à l'égard du projet néo-ottoman de la Turquie explicité par le premier ministre Ahmet Davutoglu, visant à reconstituer sa sphère d'influence de Sarajevo au Caire et du Maroc à l'Indonésie. Ensuite à l'égard des pétromonarchies arabes et des mouvements islamiques locaux disposant d'une forte implantation. Une stratégie soulignant notre entrée dans la multipolarité réelle, donc conflictuelle, que porte la crainte d'une fragmentation croissante des sociétés", pointe M.Wirtz.
Etant en quelque sorte une puissance musulmane (15 % de la population russe), la Russie est confrontée à l'influence turque et est déstabilisée dans ses périphéries par des mouvements djihadistes. Pour ces raisons, elle a tout intérêt à développer une politique alternative à l'égard du monde musulman. Mais la politique "multipolaire" de Moscou peut s'avérer plus fragile dans la longue durée qu'il est coutume de l'admettre, conclut l'auteur.