Dimanche noir pour Merkel

© AFP 2024 Markus SchreiberAngela Merkel
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Les élections aux parlements régionaux du dimanche 13 Mars ont vu la poussée de l’Alternative für Deutschland (AfD) provoquer un changement du paysage politique à l’échelle locale. Un vrai défi lancé au gouvernement fédéral.

3 Länders (régions allemandes) renouvelaient leurs parlements ce weekend: Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz), Bade-Wurtemberg, et Saxe-Anhalt. 3 Länders différents, avec des enjeux politiques différents. Les résultats aussi ont été différents, mais tous ont en commun l'arrivée de l'AfD dans leur paysage électoral, jusque-là peu, voire inexistant. Plus de 12 millions d'électeurs au total ont été appelés.

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En effet, le parti AfD, eurosceptique et se posant comme opposition de fait à la politique de Merkel, avait déjà gagné des sièges en Hesse (le Land qui abrite Francfort, la capitale économique européenne) dans les élections communales une semaine auparavant (recueillant au total 11,9 % des sièges, alors que les deux grands partis SPD (Sociaux-Démocrates) et CDU (Chrétiens-Démocrates) ont perdu respectivement 3% et 4,8%).

S'agit-il d'un phénomène national allemand? Regardons les résultats de ce Dimanche décisif, que le SPD a qualifié de « césure »:

​En Rhénanie-Palatinat, le SPD reste dominant, comme il l'a toujours été. Région industrielle proche des frontières française, belge et luxembourgeoise, la gauche a toujours tenu ce Land comme un bastion bien établi, avec une coalition SPD-Verts solide depuis plusieurs décennies. Ce Dimanche, 12,6 % des votes sont allés à l'AfD, devançant les Verts, et derrière la CDU et le SPD (qui ont perdu des points, malgré leur maintien en tête). 

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Le Bade-Wurtemberg, le Land de Mercedes-Benz, de Porsche, et abritant la Forêt Noire, est le bastion incontesté de la droite conservatrice CDU depuis la fin du deuxième conflit mondial. Depuis Dimanche, non seulement la CDU a été devancé par les Verts (30%), mais a aussi vu apparaitre l'AfD (15,1 %), jusque-là inexistante dans ce Land prospère et très marqué à droite par une CDU implantée.

Enfin, la Saxe-Anhalt, région de l'ex-RDA, a vu se développer le chômage, les délocalisations, l'effondrement de son agriculture. Profondément ancrée à gauche, elle a vu se développer le NPD (parti nationaliste-démocrate allemand) et divers mouvements néo-nazis. L'AfD est bien arrivé deuxième dans ce Land avec 24,3 %, derrière la CDU, la droite balayant la gauche.

Il est difficile d'expliquer ces chiffres, tant ce sont 3 régions différentes; cependant, dans l'ensemble (si l'on prend en compte ceux de la Hesse), les résultats électoraux au niveau local ont vu la CDU et le SPD perdre au profit de l'AfD.

​Stephan Martens, Président-fondateur de l'Académie franco-allemande des relations internationales de Bordeaux, et membre du Comité d'études des relations franco-allemandes à l'ILERI, nous explique si cela remet en cause la politique des Länders: 

« Il faut toujours être prudent dans ce type d'élections, parce que ce sont des élections régionales, (…) les coalitions vont peut-être se mettre en place entre la CDU et le SPD, là où il y a eu des scores honorables, et on verra comment se dessine la configuration politique, avec la montée de l'AfD, un mouvement populiste. »

La CDU et le SPD vont certainement réagir à cela. La coalition des deux gros partis peut —elle rester, ou verrait-on des blocs droite contre gauche se former?

« En Allemagne il y a une grande coalition qui fonctionne assez bien CDU-CSU-SPD. Il y a des coalitions au niveau des Länders (SPD-CDU, SPD-Verts), c'est à voir avec les circonstances locales; (…) aucune coalition n'est interdite, ce sont les hommes et les femmes politiques qui décident sur place; donc toute est possible, et CDU-SPD pourraient à travailler ensembles au niveau des régions, comme ils le font au niveau fédéral. Je ne pense pas qu'il y aura des fractions bleues d'un côté, et roses de l'autre. »

Comment expliquer un tel engouement pour une formation politique qui n'a que 4 ans d'âge?

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« L'Alternative pour l'Allemagne a été créée il y a peu de temps, et bénéficie d'un concours de circonstances qui lui est plus ou moins favorable: c'était un parti plutôt eurosceptique, et qui vient de connaître un succès dans les élections régionales car la politique migratoire ne plaît pas à tout électeur allemand, et ce parti surfe sur ce phénomène. Il reste à voir, dans les mois et les années à venir, si cette tendance va se perdurer. Rien n'est sûr; l'Allemagne a développé une culture de l'accueil, une majorité d'Allemands y sont favorables, et il faut donc être prudent. »

Ce vote sanction-réaction est-il éphémère, ou aurait-il un effet à l'échelle fédéral?

« Il y a un peu de tout dans ce vote; il y a d'abord une volonté de sanctionner la chancelière pour avoir ouvert les brèches à une forte vague de migrants; c'est aussi un ras-le-bol des 10 ans de pouvoir de Merkel, elle est donc quelque part usée, et c'est donc tout à fait normal, même si sa destinée politique en 2017 ne semble pas être remise en cause: il n'y a pas vraiment de femmes ou d'hommes politiques qui pourraient la menacer pour l'instant.

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Et puis c'est un mouvement populiste qui n'est pas dans une position de force; on verra bien dans les mois et les années à venir; l'Allemagne est toujours en quête d'une exemplarité morale après l'horreur nazie, et on peut supposer que ce parti n'ira pas plus loin. »

L'Allemagne connaît des challenges bien différents de la France. Les réponses politiques se font souvent à l'échelle locale.

La crise des réfugiés, le chômage des jeunes, une contestation grandissante dans la rue contre l'UE, sont tous des facteurs de mécontentements à l'encontre du bloc CDU-SPD.

Une alternative pour l'Allemagne? L'avenir nous le dira. En attendant, ce Dimanche fut bien sombre pour la chancelière allemande.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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