Le président turc Recep Tayyip Erdogan n'hésite pas à humilier l'Union européenne, sachant très bien que cette dernière lui mangera dans la main, écrit Roy Greenslade, professeur de journalisme à City University et blogueur du Guardian.
Suite à une atteinte flagrante à la liberté de la presse survenue récemment en Turquie, M.Greenslade qualifie Erdogan d'"ennemi de la presse libre". Samedi, la police turque a dispersé sans ménagement à Istanbul près de 500 manifestants rassemblés devant le journal d'opposition Zaman, placé sous tutelle et investi dans la nuit par les forces de l'ordre.
Balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes et canons à eau ont été utilisés afin de repousser et de disperser les personnes qui protestaient contre le licenciement du rédacteur en chef du journal et le blocage de son site. Selon les journalistes, la mise sous tutelle de Zaman entérine sa liquidation.
M.Greenslade rappelle que cet incident n'est pas un cas unique, loin s'en faut. L'automne dernier, la police turque avait pris d'assaut les sièges de deux chaînes de télévision du groupe Koza-Ipek pour leur soutien financier accordé au prédicateur islamique Fethullah Gülen. Le journaliste constate par ailleurs que le sort des journaux et d'autres médias turcs, notamment soupçonnés de soutenir les Kurdes, n’est pas non plus à envier.
"Erdogan est l'ennemi de la liberté de la presse (…) Tous ceux qui sont contre lui commencent à avoir des problèmes", souligne l'auteur.
Néanmoins, le journaliste doute que l'UE le réprimande pour le musellement de la presse et les violations des droits de l'homme.
"Le président turc est certain d'être à l'abri des critiques pour sa répression de la presse, l'Union européenne ayant besoin de lui pour désamorcer la crise des migrants", explique M.Greenslade.
A cette occasion, le journaliste se réfère au secrétaire général de l'ONG "Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, qui a appelé récemment les pays européens à faire jouer "tous leurs leviers de pression" pour faire entendre à Erdogan que tant qu'Ankara foulait aux pieds les valeurs européennes, il ne pouvait être question d'aucune adhésion de la Turquie à l'UE.
Or, suppose l'auteur de l'article, M.Deloire ne s'attend sans doute pas non plus à une telle fermeté de la part de l'Union européenne qui n'a fait jusqu'ici preuve que de faiblesse déplorable.
Bruxelles entend verser une aide à la Turquie, par laquelle passent des flux ininterrompus de migrants et de réfugiés, afin d’endiguer la pire crise migratoire de son histoire. En échange, Ankara réclame une relance de son processus d'adhésion à l'UE, entamé en 2005 et qui piétine depuis des années.