« Les formes que prennent les propos racistes concernent trois catégories de personnes: la minorité Rom, qui est souvent dénoncée par des leaders politiques ou par des personnes dans la société; les actes et les propos antisémites qui visent les Juifs; les représentants de l'Islam font l'objet d'atteintes à toutes les pratiques musulmanes, et des amalgames sont faits par des politiciens entre le contexte des attentats terroristes et les Musulmans. »
Selon le Conseil de l'Europe, les actes à caractère raciste ont augmenté de 14% entre 2012 et 2014, tandis que ceux antisémites ont explosés de 36% durant la même période. Quant à l'islamophobie et au rejet de la communauté Rom, plus difficiles à chiffrer, ils se banalisent, non seulement dans le cadre d'actes (18,5 % d'augmentation en 2015 par rapport à 2014), mais aussi dans les propos tenus par les politiques. Comme on pouvait s'y attendre, les propos de Mme Le Pen ont été blâmés, tout comme ceux de M. Copé.
Concrètement, quelles sont les conséquences pour la France d'un tel rapport? M. Sasha Reingewirtz, Président de l'Union des Etudiants Juifs de France, nous répond:
« Ce rapport révèle une situation qu'on connait: une multiplication des actes racistes et antisémites depuis de nombreuses années, et qui révèle que notre pays est miné par un certain nombre de préjugés, de comportements et de pratiques de discriminations qui font qu'un certain nombre de minorités et de populations sont en but soit à du racisme, de l'antisémitisme, et ce qui est inquiétant c'est le nombre de violences liées à ces phénomènes.
Suite à ce rapport, la politique du gouvernement Valls devrait se faire à plusieurs niveaux, selon M. Reingewirtz:
« En terme de politique publique, l'éducation devrait être privilégiée et renforcée, en particulier dans les quartiers populaires, qui sont des territoires sous-administrés, et qui font qu'une perte de repères mène bien souvent à une défiance vis-à-vis de la République, et dans certains cas, à une influence de certains idéologues islamistes.
Deuxièmement, ne pas céder aux sirènes de l'extrême droite, ne pas appliquer en termes de programme ou en termes de politique publique, certaines idées, demandées par l'extrême droite, quand bien même elle est aujourd'hui à un niveau particulièrement inquiétant.
Ces formes d'intolérance ne se reflètent pas seulement dans les paroles ou les actes. Des décisions administratives entrainent elles aussi souvent des situations discriminantes, comme sur le port du voile, ou sur l'autorisation faite aux Roms de pouvoir élire domicile. Dans un cas comme dans l'autre, différents intérêts doivent être balancés (liberté de culte contre laïcité).
La conception de la laïcité des autorités françaises et du droit français est-elle-même considérée comme « restrictive » dans ce rapport. Une laïcité que nous explique M. Taube:
« La France fait office d'exception dans le monde entier. (…) Officiellement, la neutralité de l'Etat français vis-à-vis de tous les cultes va de pair avec le fait de faciliter l'expression des cultes dans notre pays.
Normalement, la laïcité entendue de façon ouverte et apaisée doit permettre à tous les cultes de s'exercer librement dans certaines limites; limites qui sont de ne pas multiplier les signes ostentatoires qui pourraient gêner d'autres citoyens. En France, il y a une ambiguïté certaine: il y a le droit, il y a les mentalités, et on est dans un Etat qui a peur des religions. (…) La France a donc ces tensions qui posent problème, et qui ne peuvent pas être comprises souvent dans le monde. »
Le fait est que la CERI se base sur la Convention Européenne des Droits de l'Homme; et de par son obligation contractuelle, la France ne peut certes pas se dérober.
La communautarisation touche le monde entier, selon M. Taube: on assiste à une augmentation des inégalités économiques et sociales, à un retour du religieux, et les gens ont tendances à se replier sur eux-mêmes et sur leurs semblables.
« Cela n'est pas propre à la France, et c'est un phénomène de fond, si on prend l'Angleterre, les Etats-Unis, certains pays arabes, où les minorités ont du mal également à s'exprimer; chacun doit avoir le droit d'exprimer ses origines, ses traditions, sa religion librement tout en étant républicain, ce qui est l'immense majorité des Français; il n'y a que certains groupuscules ou politiques démagogues qui voudraient nous faire croire le contraire.»
En cela, abandonner la laïcité reviendrait à abandonner la liberté de culte, indissociable l'une de l'autre.
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