La nouvelle fait fureur dans tous les médias occidentaux: les réformateurs ont gagné pratiquement tous les sièges de Téhéran. Mais qui sont donc ces réformateurs, et quel est leur programme? M. Thierry Coville, chercheur à l'IRIS et spécialiste de l'Iran nous explique:
«Ce ne sont pas les réformateurs tous seuls qui ont gagné, il y a eu des listes uniques composées de conservateurs modérés et de réformateurs, qui soutiennent le gouvernement actuel, donc les candidats n'ont pas vraiment exposé de programmes.
Dans ces élections, il y avait un soutien (ou pas) à la politique d'ouverture du gouvernement actuel. D'autre part, il y a eu un rejet (ou pas) des figures les plus radicales. Tels étaient les enjeux de cette élection. »
Depuis l'étranger, ces élections révèlent une implication importante de la population iranienne dans le processus politique. Les conséquences de ces élections sont importantes, nous indique M. Ahmad Nokhostin, journaliste à la Radio iranienne francophone.
« Les élections législatives et de l'Assemblée des Experts se sont déroulées dans un climat de campagne sain, avec une participation de toutes les forces actives du pays, et un taux de participation très élevé: 62% sur le plan national. Tous les Iraniens de toute tendance confondue se sont rendus aux urnes.
Cette fois-ci, le phénomène intéressant concernant les élections, c'est une poussée des candidats indépendants, dans les provinces et les villes, qui ont réussi à récolter les sièges; (…) les institutions n'empêchent pas le gouvernement de mener sa politique, et l'accord sur le nucléaire iranien a pu être possible avec les 5+1. C'est un succès pour Rohani.
Les Iraniens soutiennent l'ouverture, et en même temps veulent que le pays conserve son indépendance et sa souveraineté. C'est ce que le Guide Suprême de la Révolution Islamique a dit dans son message de remerciement au peuple.
En effet, les Iraniens n'ont pas oublié comment les Occidentaux ont promis à l'ancien régime de Kadhafi: l'ouverture, le progrès, le rapprochement avec l'Occident, et quelques années plus tard, ils ont tout fait pour faire tomber ce régime, et on connait le sort de Kadhafi; le même ordre d'idée s'est produit en Irak: on a promis de démocratiser l'Irak, et on voit la situation. Les Iraniens ont clairement montré leur attachement au pays de façon intelligente. »
Comme M. Nokhostin nous l'explique, contrairement à ce qui est dit dans les médias « mainstream » en ce qui concerne les réformateurs, ils ne sont pas là pour remettre en cause les acquis de la Révolution Islamique; les réformateurs sont en faveur d'une accélération de l'ouverture du pays, ils ne sont pas contre le système; s'agissant des méthodes, comme dans n'importe quel système démocratique, il y a des divergences entre les courants politiques principalement au niveau tactique. Tout comme les conservateurs insistent sur les valeurs héritées de la Révolution, l'indépendance et la souveraineté du pays, et la défense des intérêts de l'Iran.
L'Iran, depuis l'élection de Rohani à la présidence, fait face à de nombreux challenges, aussi bien sur le paln intérieur qu'en politique étrangère: plus de 10% de la population au chômage, une demande de consommation faible, mais aussi une croissance dopée par des finances publiques rigoureuses, un dégel progressif des avoirs iraniens, et bien sûr la réussite de l'accord sur le nucléaire iranien.
Ce nouveau visage de l'Iran, incarné par Rohani, permet-il à l'Iran de mieux se retrouver sur la scène international, de pouvoir mieux défendre ses intérêts, et par conséquence de mieux se développer? M. Nokhostin nous répond:
Sur le plan international et régional, cet appui du peuple iranien au gouvernement sera non négligeable; entre les problèmes du Moyen-Orient, l'Irak, la Syrie, cette élection législative va renforcer le poids de l'Iran à l'échelle régionale, et sur le plan international, permettra à l'Iran à s'ouvrir au monde, à avoir des relations avec d'autres nations, comme la Russie, la Chine, les pays européens; (…) ceci permet de faire venir des investisseurs, passer des contrats, et faire venir des sociétés dans le marché iranien. L'interaction sera donc régionale, internationale et nationale. »
En conclusion de ces élections, on retrouve le fondement de ce qui a créé l'école de pensée libérale: une ouverture économique et diplomatique sur le monde, qui permet d'obtenir la paix sur le long terme. Une paix à laquelle a toujours aspiré le peuple iranien, et qu'il a exprimé ce weekend, sans intervention venue de l'étranger, ni « printemps ».
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