Si naguère personne ne présentait une menace sérieuse pour la marine américaine s'agissant des dimensions ou de la force, à l'heure actuelle la menace est bien déterminée. Ainsi, le commandant des forces américaines du Pacifique, l'amiral Harry Harris, confie, à Foreign Policy, craindre que les Etats-Unis n'aient pas assez de sous-marins pour faire face aux marines en cours de modernisation, notamment celles chinoise et russe. Ce qui suggère un moment charnière pour les USA, indique un rapport du Centre pour une nouvelle sécurité américaine, et en donne des explications.
La stratégie A2/AD
Le rapport intitulé "Alerte rouge: une menace croissante pour les porte-avions US" se focalise sur la position militaire chinoise fleurissante dans l'océan Pacifique, ainsi que sur un terme qui fait s'énerver dernièrement les représentants du secteur de la défense partout dans le monde, à savoir l'anti-accès/aire déni, ou A2/AD. Ce terme se réfère à une notion qui a depuis longtemps fait partie du vocabulaire militaire et signifie le blocage de la capacité de l'ennemi de se déplacer librement sur le champ de bataille.
La stratégie A2/AD telle qu'elle existe aujourd'hui ressemble bien à ce qu'elle représentait à l'époque où les châteaux étaient entourés de tranchées, à l'exception du fait que les tranchées d'aujourd'hui sont représentées par un système intégré de missiles surface-air, de missiles de croisière antinavires, de sous-marins et de navires de surface, tous destinés à repousser l'ennemi le plus loin possible des zones stratégiques.
La puissance militaire de la Chine se compose de deux éléments, son parc de missiles antinavires de longue portée qui est de dimensions impressionnantes et qui s'ajoute aux technologies qu'elle emploie. Ce qui, en fin de compte, fait peur aux Etats-Unis.
Jusqu'où s'étend la menace chinoise
Mais la menace chinoise, elle s'étend jusqu'où? Voilà les territoires menacés, selon le rapport américain:
Les systèmes de courte portée comprennent ceux capables d'opérer jusqu'au 200e mille marin de la Chine. Ses missiles surface-air, missiles de croisière antinavires et drones peuvent d'ailleurs atteindre Taïwan.
Les systèmes de moyenne portée agissent dans les limites du 600e mille nautique, et, en cas de conflit, pourraient être lancés à travers les mers de Chine orientale ainsi que méridionale pour atteindre la première chaîne d'îles qui s'étend du Japon au nord jusqu'aux Philippines au sud.
Ensuite, les systèmes de longue portée peuvent dépasser le 600e mille nautique.
La Chine n'est pourtant pas la seule architecte de la stratégie A2/AD censée briser les opérations navales des Etats-Unis. Dans la mer Baltique, la base navale russe de Kaliningrad héberge un vaste réseau de systèmes sophistiqués antimissiles et antinavires. De plus, le pays dispose présument de systèmes A2/AD en Syrie, ce qui inquiète les commandants de l'Otan.
Entre-temps, Pékin ne perd pas de temps et déploie des chasseurs sur l'île contestée Woody en mer de Chine méridionale, rapportent des renseignements américains, et voilà jusqu'où s'étend sa portée depuis ce petit bout de terre.
Pourquoi les USA se trompent
Alors que d'autres Etats s'emploient à créer des systèmes similaires en recourant à des technologies de pointe, les USA se placent plus en risque car ils tendent à réduire la portée d'action de leurs porte-avions pour pouvoir effectuer plus de missions, de plus courte durée.
Cela dit, "un adversaire avec des systèmes A2/AD pourrait lancer une attaque destructrice contre un porte-avion depuis diverses surfaces et directions, une telle attaque s'avérant bien difficile, sinon impossible à repousser", lit-on dans le rapport, évoquant cependant des contremesures que les USA doivent prendre. Concrètement, les Etats-Unis devraient explorer de nouvelles options innovantes pour les futures opérations navales, s'ils souhaitent repousser des attaques menaçantes. Ou bien, il leur faut se préparer à de grandes pertes tant humaines que matérielles, résume le rapport.