L'article 2 du projet de loi constitutionnelle, voté avec seulement 14 voix d'avance, par 162 voix contre 148 (avec 22 abstentions), prévoit que la Constitution renverra à la loi pour "les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation", sans faire de référence à la binationalité.
Les députés se prononceront mercredi après les questions au gouvernement sur l'ensemble de la révision constitutionnelle, qui comprend également l'inscription du régime d'état d'urgence dans la loi fondamentale votée lundi, rapporte l` AFP.
"J'attends évidemment avec confiance le vote sur l'ensemble de la révision constitutionnelle demain (mercredi) à l'Assemblée et avec encore plus de confiance la révision constitutionnelle, je l'espère au Congrès à Versailles", a dit le Premier ministre Manuel Valls à l'issue du vote.
Beaucoup affirmaient que cet article, critiqué à gauche comme à droite, ne serait pas adopté, a noté le Premier ministre, mais "étape après étape ces articles sont adoptés" et demain "il y aura un vote d'ensemble, et je pense bien plus large", a-t-il ajouté.
Un sentiment visiblement pas partagé par les opposants au texte.
"La contestation a grandi, le rejet n'est plus loin!", s'est notamment félicitée sur Twitter après le vote Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains), farouche opposante à la déchéance.
Contrairement à la veille, les députés sont venus en nombre, surtout à gauche, s'exprimer sur cet article 2, principale pomme de discorde. Des socialistes frondeurs aux écologistes en passant par certains députés Les Républicains, la plupart des orateurs ont dit leur rejet d'un "symbole clivant, négatif" avec cette déchéance de nationalité pour les terroristes, et invoqué la France, "patrie des droits de l'Homme". Plusieurs ont dit leur préférence pour une peine d'indignité nationale.
Mais les 29 amendements de suppression de cet article 2 avaient été rejetés en début de soirée, à une plus large majorité cette fois, de même que les amendements alternatifs comme celui du député PS Olivier Faure qui proposait de remplacer la peine de déchéance de nationalité par une peine de "déchéance nationale" (privation d'un certain nombre de droits).
Le Premier ministre avait prévenu mardi matin à huis clos les socialistes que voter contre cette réforme annoncée trois jours après les attentats du 13 novembre reviendrait à "mettre en difficulté le gouvernement et mettre en minorité le président" François Hollande.
En coulisses, certains députés évoquaient des pressions du gouvernement ou du groupe PS. "Il y a des dilemmes pour chacun" entre loyauté et fidélité à des convictions parfois contraires aux voeux de l'exécutif, selon un socialiste.
"Ce que veulent les Français, c'est le rassemblement. Pas de la gauche, mais le rassemblement de tous", a martelé devant la presse M. Valls, plaidant aussi que "la menace terroriste (est) sans doute encore plus importante qu'avant le 13 novembre".
En cas de nouveaux attentats en France, "on nous demandera des comptes", a également argumenté Nicolas Sarkozy devant les députés LR. Le chef du parti et ancien président de la République a notamment défendu à nouveau l'inscription de la déchéance dans la Constitution "pour rester fidèle à nos convictions".
M. Sarkozy s'en est vivement pris à ceux qui "changent d'avis" comme François Fillon, son ancien Premier ministre qui venait d'expliquer "avoir conclu en son âme et conscience que la révision constitutionnelle n'était ni nécessaire ni utile". M. Fillon n'a pas pris part au vote mardi soir.