"Beaucoup de gens pensent que les cartes n'ont pour mission que de montrer la géographie et la topographie d'un pays. Mais les cartes en disent long sur beaucoup d'autres aspects: politiques, militaires et économiques. C'est la première source d'informations sur la stratégie d'un pays, qui permet de voir les facteurs moins évidents", note M.Friedman.
Selon les cartes fournies par l'expert, l'accès de la Russie aux océans, sauf l'océan Arctique, "est limité" et souvent "bloqué par d'autres pays". Or l'accès d'un Etat à l'océan peut influer sur son potentiel économique et politique, rappelle-t-il.
"La plupart de la population russe est concentrée le long de sa frontière occidentale avec l'Europe et de sa frontière méridionale avec le Caucase (la région située entre les mers Noire et Caspienne). La Sibérie est peu habitée. Les fleuves" russes coulent vers l'ouest et l'infrastructure de la Russie est aussi plus dense dans la partie occidentale du pays.
L'ouest et le sud de la Russie sont les régions les plus favorables à l'agriculture.
Les transports du pays sont aussi "orientés vers l'ouest".
Selon M.Friedman, ces facteurs expliquent que la Russie est surtout vulnérable dans sa partie occidentale et que sa stratégie nationale consiste à "déplacer sa frontière vers l'ouest pour mieux se protéger".
L'expert affirme que l'objectif principal de la Russie est donc "de contrôler les Etats d'Europe de l'Est – les pays baltes, la Biélorussie et l'Ukraine – pour renforcer sa défense en profondeur et son potentiel économique.
Toutefois, la proximité de la mer a ses inconvénients. Une puissance maritime est plus riche, mais la richesse provoque le luxe et le luxe corrompt la société, note M.Friedman et cite en exemple les villes d'Athènes et de Sparte. Qui plus est, "une bonne connaissance du monde conduit à l'ambiguïté morale", d'après lui.
Sparte a été moins riche qu'Athènes. Elle a gagné son influence grâce à beaucoup d'efforts et non à la richesse, les Spartiates ne connaissaient pas le monde, mais avaient des notions claires du bien et du mal.
"La lutte entre la force donnée par la richesse et celle créée par l'effort" caractérise la différence entre l'Europe et la Russie, déclaré M.Friedman.
La Russie est "plutôt unie que divisée et sa force provient des efforts déployés par son peuple pour surmonter les difficultés (…). Les Russes sont soudés grâce à leur vision idéaliste du pays et à leur loyauté à l'égard de la Mère Russie. Et sur ce point, il y a un gouffre entre l'Europe et les Etats-Unis d'une part et la Russie de l'autre", conclut-il.