Dans le bidonville des laissés-pour-compte du mirage américain

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Le dernier boom technologique a laissé derrière lui de nombreuses personnes "inutiles", les précipitant dans les "villes de tentes". C'est là qu'ils essayent de survivre, rafistolant leurs cabanes démolies systématiquement par les autorités. Le photographe de Reuters Shannon Stapleton montre cette autre Amérique à travers ses photos.

La Silicon Valley, terre de rêve pour certains, s’est transformée en cauchemar pour d’autres. De Seattle, à deux pas de la frontière canadienne, jusqu’au Nouveau-Mexique, des camps informels, les "tent cities" sont apparus aux États-Unis et se multiplient comme des champignons depuis la crise de 2008.

Habiter dans la Jungle, c'est vivre la peur au ventre, surtout après la tombée de la nuit. Le camp de de 275.186 km2 de South San Jose Hills, ville de Californie située dans le comté de Los Angeles, est le plus grand parmi ceux situés sur le territoire américain. Et c'est aussi un coin des Etats-Unis où la loi ne s’applique pas.

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"Mince, encore un?" ou la vie quotidienne d’un réfugié dans un camp suisse

"S’il y a un problème, vous devez avoir un dernier recours", confie Troy Feid à National Journal, tirant une machette qu'il garde toujours dans sa manche dans la nuit. "Le seul fait de l'avoir est un message qui signifie +ne plaisante pas avec moi+".

Feid, un charpentier au chômage, vit dans une "forteresse" faite de bâches en plastique avec un chat, Bébé. Il a été l'une des 278 personnes à vivre dans le bosquet des peupliers le long de Coyote Creek. Et il a été le premier à s'y installer il y a quatre ans, après son licenciement.

Puis vint le crash des dot-com en 2000, la faillite en chaîne des compagnies d'Internet et la suspension des travaux de construction. 

Ce charpentier a fait beaucoup d'argent en surfant sur le boom de la construction de la Silicon Valley dans les années 1980-1990. Mais la crise de 2000, qui a acculé de nombreuses entreprises Internet à la faillite, a mis un coup d’arrêt à la croissance du secteur des BTP. C'est alors que Feid a perdu son appartement avant d’errer pendant des années, vivant de bricolages dans des maisons et habitant dans des garages. En 2009, mis à la porte par ses amis, Feid s'est retrouvé à la rue. Tout ce qu'il avait était une moto et quelques morceaux de bâche.

"Vous construisez tout… Soudain vous perdez votre emploi et puis tout s'écroule", regrette Feid. "Au moins, ici dans cette crique vous savez quel est votre statut. "

Le nombre de personnes vivant dans le camp a triplé depuis que Feid y a élu résidence. La Jungle héberge maintenant une communauté d'hispanophones à côté d'une enclave vietnamienne baptisée Little Saigon. Cette croissance incontrôlée a s’est accompagnée d’une hausse des violences. Les chiens fouillent dans les tas d'ordures et de déchets laissés par les humains.

"Maintenant, c'est dégueulasse!", déplore Feid qui gagne sa vie en réparant les générateurs utilisés par les résidents pour alimenter leurs téléphones portables et leurs téléviseurs.

Les 200 dollars qu'il reçoit chaque mois en coupons alimentaires suffisent pour payer la plupart de ses repas, et le reste, il l’obtient en fouillant les poubelles. 

Les camps sont nombreux aux Etats-Unis. Quant à celui-là, le plus grand du pays, les autorités comptent bien le démanteler. L’attitude des autorités locales face à cette situation frise la schizophrénie. Conscientes du manque de logements à prix raisonnables, certains responsables  ont tenté d’aider les habitants des camps. D’autres hommes politiques exigent leur fermeture. 

Feid explique que les autorités détruisent souvent des "forteresses". Ils l'ont fait plusieurs fois depuis dix ans, mais à chaque fois le campement renaît de ses cendres.  

Cette fois-ci, ils ont une stratégie différente: trouver un logement permanent pour les deux tiers des résidents du camp et subventionner leur loyer pendant un an ou deux. Seul hic: il est presque impossible de trouver un appartement à moins de 2.128 dollars par mois.

"Il faudrait avoir cinq emplois au salaire minimum simultanément  pour se permettre  de vivre ici", a expliqué Jeniffer Loving, directrice de Destination: Home, un partenariat public privé qui aide les sans-abris du comté de Santa Clara. "Personne ne peut le faire, cela crée une disparité énorme entre les revenus", a conclu la spécialiste.

En attendant, 200 résidents du campement ne disposent toujours pas d'endroit où vivre après la destruction de leurs logements de fortune par les autorités.

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