Le dirigeant a justifié sa décision par la volonté de "rompre définitivement avec le passé colonial de la Gambie", sans pour autant préciser comment cette adhésion au petit groupe de pays se déclarant officiellement "religieux et non laïques" — l'Iran, l'Afghanistan, la Mauritanie et quelques autres régimes dont l'État islamique (Daech) — pourrait aider la Gambie en ce sens.
La Gambie aurait pu être montrée en exemple à d'autres pays musulmans pour illustrer comment séparer la religion et la construction laïque d'un État.
Cette déclaration du président Jammeh n'a donc pas fait que des heureux, et a finalement déclenché un coup d'État: moins de deux semaines après l'annonce de l'"islamisation" de la Gambie, le 30 décembre, les militaires du pays ont fomenté un putsch à Banjul, ne voulant pas voir leur pays "vivre selon la charia".
Le président a été contraint de fuir la capitale mais a réussi à revenir grâce à des troupes paramilitaires. La mutinerie des militaires dans la capitale a finalement été étouffée.
Mais la déclaration de Yahya Jammeh a surpris seulement les médias occidentaux. Les centres analytiques britanniques et américains spécialistes des problèmes africains prédisaient depuis longtemps que le président gambien serait contraint de faire un geste politique pour tenter de former un nouvel entourage de pays amis, ce pourquoi il était prêt à pousser son État dans n'importe quelle direction.
Tout a commencé par la sortie du pays du Commonwealth après 48 ans de partenariat — Jammeh avait également motivé son acte par la volonté de rompre avec la période coloniale, mais sa tentative de jouer la partition anti-occidentale n'était qu'un coup d'essai pour se présenter sur le marché politique international comme un objet d'investissements politiques.
Presque immédiatement, le président Jammeh a ensuite découvert que seuls ceux qui souhaitaient une expansion de l'islam en tant que structure étatique pouvaient réaliser ce genre d'investissements. Notamment en Turquie.
La principale force qui peut s'opposer aujourd'hui à l'islamisation est l'armée, comme l'a montré la contre-révolution égyptienne du président al-Sissi. Les forces armées turques entraînent la gendarmerie gambienne depuis 1991 et les militaires gambiens ont suivi une formation en Turquie durant toutes ces années.
Ce sont précisément ces unités qui ont réussi à réprimer la mutinerie des soldats contre l'islamisation du pays fin décembre — comme l'avaient prévu les deux présidents, Erdogan et Jammeh.
Formellement, en décembre 2016, Jammeh se présentera à la nouvelle élection présidentielle. Mais ce scrutin, dans l'"État islamique de Gambie" dont les caisses sont remplies par des islamistes de Turquie, ne sera certainement pas une grande barrière pour le président actuel.