Un revenu de base inconditionnel (ou: RBI) dans le pays de Nestlé, de Rolex et des banques; voilà une idée qui prête à sourire. Pourtant, l'initiative a abouti.
Mais au fait qu'est-ce que le RBI? Guy Mettan, Directeur Club suisse de la presse, nous explique:
« L'idée qui est proposée au peuple est d'octroyer à l'ensemble de la population adulte suisse un salaire minimum de 2500 CHF par mois.
Le processus va plus loin que ce qui a été proposé ailleurs, à la fois au niveau du salaire, qui est élevé en terme de comparaison internationale, et au niveau de la population, car il vise l'ensemble de la population adulte. »
M. Daniel Straub, membre du comité d'initiative nous apporte ses précisions:
Pour quelles raisons la Suisse aurait besoin d'un salaire de base, alors que les salaires sont rarement en dessous de 3000 CHF?
Guy Mettan: « Plutôt que de compliquer, que d'avoir recours à des aides sociales, qui sont multiples et qui coûtent très cher à organiser car elles nécessitent des administrations très lourdes, c'est au fond une simplification qui permet de donner à chacun le minimum qui sert pour vivre.
Vous savez que le coût de la vie en Suisse est très cher, c'est pour ça qu'en comparaison internationale, le niveau paraît très élevé. »
Avec quels moyens financiers procédera-t-on?
Daniel Straub: « Notre plus grand challenge pour les prochaines années est d'expliquer que le RBI se substituera au revenu d'aujourd'hui. (…) Vous auriez le même salaire au total, mais en incluant le RBI; le solde serait votre revenu lié au travail; donc votre revenu lié au travail serait bien inférieur à celui d'aujourd'hui. »
Malgré ces arguments, l'opposition à ce projet est forte, très forte même. Jean-Christophe Schwaab, conseiller National du Parti Socialiste, nous éclaire:
L'autre problème de cette initiative est qu'elle est en termes généraux, elle ne dit rien du montant, ni du financement, ce qui veut dire que le parlement fédéral, dont la majorité est très marquée à droite, pourrait en faire ce qu'il voudrait, et pourrait produire un modèle de revenu de base qui serait tout aussi antisocial et difficile à financer. »
Selon vous, il faudrait plutôt compter avec un revenu minimum. Ce sont donc deux choses différentes.
« Le salaire minimum est quand même très différent du RBI, car le salaire est toujours versé par l'employeur en échange d'une prestation de travail. »
Autre problème: cela enlèverait le droit au travail; pouvez-vous nous éclairer?
« Le risque avec un RBI, c'est qu'on abandonne tous les efforts qui sont faits aujourd'hui, d'une part pour faciliter l'accès à la formation, et pour réinsérer les personnes exclues du marché du travail.
Au fond je serais très inquiet pour tous les programmes d'aide aux chômeurs, de formation, de soutien aux personnes qui cherchent à se réinsérer(…) quiconque veut participer à la vie active, il peut le faire, et l'Etat va le soutenir et l'aider.
Avec un RBI, on risque de voir ses programmes ne plus exister, de se dire tant pis pour ces personnes si elles ne veulent pas travailler, elles n'en ont pas besoin, elles n'ont qu'à se contenter de leur revenu de base; et là on nierait le droit au travail de ces personnes. »
L'opposition de la Droite n'est pas en reste. Vincent Arlettaz, économiste et politicien du Parti Libéral-Radical, nous dit pourquoi voter contre:
Le deuxième argument est moral, car actuellement les prestations sociales sont versées à condition: on vers des retraites à condition que les gens aient cotisé, soit des aides sociales parce que des gens sont dans une situation particulière. Le RBI mettrait en place un système totalement différent: une personne peut recevoir ces prestations, peu importe qu'il en ait besoin, ou qu'il ait cotisé; moralement cela revient à dire que d'une part je peux regarder mon voisin partir au travail en me disant « maintenant tu vas travailler pour me payer », et d'autre part c'est une forme d'injustice pour les personnes qui ont besoin de l'aide de l'Etat, et qui auraient cotisé.
Le troisième argument est la question de la liberté individuelle. Le principe du RBI c'est considérer que l'Etat doit répondre de, et prendre en charge, mes besoins fondamentaux. L'Etat financerait les besoins de base et définirait ces besoins de base et comment on devrait dépenser cet argent. »
« Cela serait plus qu'un assistanat, ce serait un décalage de la progressivité de l'impôt: si on met en place une telle mesure, on va devoir la financer et on va demander à quelques personnes de payer encore plus, et à beaucoup de payer moins; donc, de moins en moins de gens vont payer beaucoup plus d'impôts; c'est déjà discutable moralement. Si on charge les impôts de ces gens, ils vont partir avec une partie de l'activité économique, et donc on va avoir de la peine à financer le reste.
Mais c'est aussi négatif pour ceux qui sont bénéficiaires de cette aide, car on va leur donner une rente, en leur disant « voilà pour tout solde et tout compte, et débrouillez-vous », on n'aura plus à s'occuper de l'égalité des chances, car on aura tous la même rente. »
La suisse risquerait-elle de voir une inflation galopante, ainsi qu'une immigration économique de masse venir à cause de ce salaire?
« Le risque d'inflation dépend surtout de comment est financé le RBI, si c'est par les taxes et impôts, il est probable que les nuisances sur le développement économique devanceraient l'inflation. Pour les migrations, c'est à problème à double sens; l'initiative évoque la population résidant légalement en Suisse, quand on est dans un système de libre circulation des personnes avec l'UE, 2500 CHF est supérieur aux pays voisins, et on peut craindre que beaucoup se déplacent pour profiter de cette situation; c'est aussi un problème de migration dans l'autre sens, car comme on le finance grâce au contribuable en Suisse, ceux qui voudraient créer des emplois et des entreprises en Suisse seraient outrageusement pénalisés, et quitteraient la Suisse avec leur activité économique, leurs emplois, etc.. »
En clair et pour conclure, cette initiative a peu de chances de passer; mais l'histoire nous a montré que les résultats sont différents de ce à quoi s'attendre.
Voici quelques mois, dans le canton de Vaud, une dame d'un certain âge m'avait dit: « on est dans une autre époque qu'il y a 20 ans; avec la mondialisation, on peut exporter, et placer son argent où l'on veut, mais on doit accepter aussi les courants d'airs, et savoir partager ».
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