Relations franco-iraniennes: la France et l’Iran; mais aussi les lobbies?

© AFP 2024 Lionel BonaventureHassan Rohani
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Alors qu’Hassan Rohani était en visite officielle en France, afin de rétablir les relations économiques bilatérales, les médias anglophones ont accusé la France de vouloir monter l’Europe contre l’Iran.

C'est l'agence Associated Press qui a lancé la polémique. Elle a publié Mercredi, alors qu'Hassan Rohani posait le pied sur le sol français, l'information selon laquelle la France aurait demandé à ses partenaires européens d'envisager de nouvelles sanctions à l'encontre de l'Iran.

Une décision qui ferait suite au test d'un missile balistique de type Emad effectué par la République Islamique le 10 octobre 2015. Des informations que l'agence de presse, basée à New York, tiendrait de deux officiels européens, à qui se seraient confié des personnes ayant assisté au Conseil des Affaires étrangères du 18 Janvier dernier, des sources qui auraient tenu à conserver l'anonymat…

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Une information démentie par une autre source anonyme, mais cette fois-ci française: si le quai d'Orsay a refusé de répondre aux questions de l'AP, un diplomate a toutefois déclaré qu'"aucune demande en ce sens n'a été faite" et souligne que Laurent Fabius n'était même pas présent à la réunion… ce qui semble vrai, si on en croit la liste des participants à cette réunion disponible sur le site du Conseil Européen et du Conseil de l'Union Européenne, la France était représentée par son secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, Harlem Désir… et si on en croit le compte rendu de sa prise de parole, disponible sur le site du ministère des affaires étrangères, il a été question de la situation humanitaire en Syrie, des réformes du gouvernement Irakien et de la lutte de Daech ainsi que de la mise en œuvre des accords de Minsk.

Pour Denis Bauchard, Conseiller pour le Moyen-Orient à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI) et ancien Président de l'Institut du monde arabe, il est très peu probable que la France ait décidé d'entreprendre une telle initiative dans un contexte de réchauffement diplomatique et de rapprochement économique.​

« Ceci me surprendrait tout de même beaucoup, surtout à un moment où la France officiellement accueille le président Rohani et essaie de normaliser ses relations avec l'Iran qui ont été difficiles durant de nombreuses années, donc cette information me parait pour le moins curieuse et relève peut être d'une campagne de désinformation ».

Un pronostique partagé par le député Les Républicains Jacques Myard, membre de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale où s'est justement rendu Mercredi, Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires Etrangères. Des rumeurs, selon le député, distillées par « des personnes bienveillantes », et auxquelles il ne faut pas prêter attention:​

« Je pense que la France ne peut pas proposer de telles sanctions à un moment où le président Rohani vient à Paris et où la France souhaite véritablement, et à juste titre, renouer des relations de confiance, commerciales mais aussi culturelles avec l'Iran. Donc il y a sans doute une part d'intoxication dans ce domaine-là, il est possible qu'il y ait eu des tentatives d'un certain nombre de services manipulés par d'autres, mais je pense que cela est inexacte et surtout ça ne s'inscrit pas dans ce qui est aujourd'hui la reprise des relations avec l'Iran ».

D'autant plus que la seule déclaration de Laurent Fabius au sujet d'éventuelles sanctions, ait eu lieu devant la presse lors d'une visite à Abou Dhabi, au lendemain de la décision américaine de sanctionner l'Iran pour son programme de missiles balistiques, elles même décrétées au lendemain du début de la levée des sanctions internationales. « Nous devons comparer les systèmes américain et européen, voir si de nouvelles sanctions doivent ou non être prises » avait alors déclaré le chef de la diplomatie française, le tout suite à ce tir de missile qui en son temps avait été aussi bien condamné par la France, l'Allemagne, et la Grande Bretagne que par les Etats-Unis, des experts de l'ONU l'ayant considéré comme une violation de la résolution 1929 du Conseil de Sécurité.

Mais que la révélation d'Associated Press soit vraie ou non, le crédit qui lui est accordée ne reflèterait-il pas la dualité, la complexité, des relations franco-iraniennes? Une chose est sûre, les enjeux économiques sont conséquents pour la France, qui fut jusqu'en 2007 le quatrième partenaire commercial de la République islamique, avant que n'arrivent les sanctions internationales contre son éventuel programme nucléaire militaire. Depuis, la France a plongé à la quinzième position…

Des sanctions contre l'Iran coûteuses pour la France, rien d'anormal donc, pour notre expert, que la diplomatie française ait souhaité normaliser ses relations au plus vite avec la République Islamique après la signature des accords de Vienne, en Juillet 2015. Pour Denis Bauchard, ces relations économiques et ces contacts diplomatiques renoués, ne constituent en rien une forme de renoncement de la France à certains de ces principes:

« Je pense que du côté français, on est conscient que l'accord sur le nucléaire et la levée des sanctions ne suppriment pas tous les problèmes qui peuvent exister avec l'Iran. Il est clair que l'Iran a une politique d'influence au Moyen-Orient, qu'elle va continuer, qu'elle va poursuivre: qu'ils s'agissent de ses relations avec l'Irak, de ses liens privilégiés avec le régime de Bachar al Assad, de ses liens avec le Hezbollah, de sa relation ou plutôt de son absence de relations avec Israël, de même que ses relations difficiles avec l'Arabie Saoudite, donc je crois que sur un certain nombre de sujets il y'aura certainement des désaccords qui vont persister, mais ceci n'empêche pas de développer des relations, notamment dans le domaine économique, avec ce pays ».

Si l'accent est ainsi mis sur le pragmatisme économique, les grands groupes de l'hexagone sont prêts! Peugeot-Citroën prépare son grand retour, après un retrait exigé par un partenaire de circonstance: General Motors. La marque au Lion qui détenait plus d'un tiers des parts du marché automobile iranien, son deuxième marché en volume après la France, espère aujourd'hui produire 200 000 véhicules en renouant avec son ancien partenaire Khodro.

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Renault-Nissan est également dans les starting-blocks, contrairement à sa concurrente, la marque s'était maintenue en Iran et ce malgré les menaces de certains lobbies américains, tels qu'United Against Nuclear Iran (UANI), dont le directeur Mark Wallace, un ancien ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, n'avait pas hésité à adresser une lettre au PDG du constructeur, Carlos Ghosn, pour le sommer de respecter les embargos américains. Il faut dire qu'on retrouve au sein de l'UANI, une organisation se présentant comme politiquement indépendante: Richard Dearlove ancien chef du MI6, Meir Dagan ancien directeur général du Mossad ainsi qu'August Hanning ancien directeur du Service fédéral de renseignement (BND) ou encore Kristen Silverberg une ancienne ambassadrice des Etats-Unis auprès de l'Union Européenne sous G.W. Bush.

Total aussi compte bien reprendre ses marques, après avoir conservé une représentation dans le pays, d'après son PDG, Patrick Pouyanné, le géant pétrolier aurait signé un accord afin d'acheter à l'Iran entre 150 000 et 200 000 barils par jour.

Mais le contrat qu'on a le plus attendu est certainement la signature au palais de l'Elysée d'un protocole d'accord portant sur la vente de 118 Airbus (73 gros-porteurs et 45 monocouloirs) à Iran Air, et d'après la télévision publique iranienne, l'avionneur européen pourrait être en mesure de livrer 100 appareils dans les 4 prochaines années…

Un renouveau des relations économiques franco-iraniennes, qui n'a pas été du goût de tout le monde, car si Hassan Rohani était l'invité de l'Elysée, on peut dire que son déplacement en France n'a pas fait que des émules:

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Si dès sa descente d'avion, les Femen se sont empressées de lui adresser la bienvenue à leur manière, en simulant une pendaison sous un pont, « nous voulons juste que Rohani se sente comme chez lui » a twitté l'activiste Inna Shevchenko, le Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI) a pris le relais avec une après-midi de mobilisation. Une mobilisation marquée par un meeting très… anglicisé, place Denfert-Rochereau. Et qui a trouvé écho dans un appel à manifester dans Paris contre les exécutions en Iran, lancé par le collectif "No2Rohani & StopExecutionsIran", et relayé par de nombreuses organisations, bien de chez nous, comme notamment: le MRAP, Nouveaux Droit de l'Homme, le Syndicat National de l'Enseignement Supérieur, l'Union Nationale des Etudiants de France, la Fondation Danielle Mitterrand, Réseau Indonésie, Le 93 au cœur de la République et… le Comité Citoyens Montreuillois…

Si le député Jacques Myard ne cautionne en rien les exécutions en Iran, il a cependant tenu à rappeler que toutes les délégations étrangères ne provoquaient pas le même effet…

« Quand on parle des droits de l'homme, je suis frappé par l'aspect partisan: c'est-à-dire qu'il y'a très peu de protestations sur les exécutions capitales en Arabie Saoudite et en revanche, bien sûr, on a pointé du doigt ce qui se passe en Iran — ce qui ne veut pas dire que j'approuve ce qui se passe en Iran — La question des droits de l'homme, c'est ce que disait Max Gallo: on est tous pour, mais ce n'est pas une explication du monde. Si on veut que le régime évolue de lui-même, ce n'est pas en le maintenant dans un ghetto qu'on y arrivera, il faut faire évoluer les mentalités et les conceptions des droits de l'homme, non pas en ayant une ingérence dans les affaires de ces états, mais en ouvrant petit à petit le dialogue avec eux, de telle manière que les choses évoluent: donc c'est une question de long terme ».

D'autant plus que lors de la visite du ministre iranien des affaires étrangères à la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale, celui-ci aurait déclaré que le président Rohani tenait à promulguer une charte de la citoyenneté plus respectueuse des droits de l'homme…

Jeudi soir, la centaine de chefs d'entreprises et la demi-douzaine de ministres qui ont constitué la délégation d'Hassan Rohani, durant sa double-visite en Europe, avaient avec leurs homologues français signés pour plus de 15 Milliard d'euros de contrats. Un montant comparable à celui de l'Italie, un montant appelé à évoluer en fonction de la levée progressive des sanctions…

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