C'est l'agence Associated Press qui a lancé la polémique. Elle a publié Mercredi, alors qu'Hassan Rohani posait le pied sur le sol français, l'information selon laquelle la France aurait demandé à ses partenaires européens d'envisager de nouvelles sanctions à l'encontre de l'Iran.
Une décision qui ferait suite au test d'un missile balistique de type Emad effectué par la République Islamique le 10 octobre 2015. Des informations que l'agence de presse, basée à New York, tiendrait de deux officiels européens, à qui se seraient confié des personnes ayant assisté au Conseil des Affaires étrangères du 18 Janvier dernier, des sources qui auraient tenu à conserver l'anonymat…
« Ceci me surprendrait tout de même beaucoup, surtout à un moment où la France officiellement accueille le président Rohani et essaie de normaliser ses relations avec l'Iran qui ont été difficiles durant de nombreuses années, donc cette information me parait pour le moins curieuse et relève peut être d'une campagne de désinformation ».
Un pronostique partagé par le député Les Républicains Jacques Myard, membre de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale où s'est justement rendu Mercredi, Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires Etrangères. Des rumeurs, selon le député, distillées par « des personnes bienveillantes », et auxquelles il ne faut pas prêter attention:
« Je pense que la France ne peut pas proposer de telles sanctions à un moment où le président Rohani vient à Paris et où la France souhaite véritablement, et à juste titre, renouer des relations de confiance, commerciales mais aussi culturelles avec l'Iran. Donc il y a sans doute une part d'intoxication dans ce domaine-là, il est possible qu'il y ait eu des tentatives d'un certain nombre de services manipulés par d'autres, mais je pense que cela est inexacte et surtout ça ne s'inscrit pas dans ce qui est aujourd'hui la reprise des relations avec l'Iran ».
Mais que la révélation d'Associated Press soit vraie ou non, le crédit qui lui est accordée ne reflèterait-il pas la dualité, la complexité, des relations franco-iraniennes? Une chose est sûre, les enjeux économiques sont conséquents pour la France, qui fut jusqu'en 2007 le quatrième partenaire commercial de la République islamique, avant que n'arrivent les sanctions internationales contre son éventuel programme nucléaire militaire. Depuis, la France a plongé à la quinzième position…
Des sanctions contre l'Iran coûteuses pour la France, rien d'anormal donc, pour notre expert, que la diplomatie française ait souhaité normaliser ses relations au plus vite avec la République Islamique après la signature des accords de Vienne, en Juillet 2015. Pour Denis Bauchard, ces relations économiques et ces contacts diplomatiques renoués, ne constituent en rien une forme de renoncement de la France à certains de ces principes:
« Je pense que du côté français, on est conscient que l'accord sur le nucléaire et la levée des sanctions ne suppriment pas tous les problèmes qui peuvent exister avec l'Iran. Il est clair que l'Iran a une politique d'influence au Moyen-Orient, qu'elle va continuer, qu'elle va poursuivre: qu'ils s'agissent de ses relations avec l'Irak, de ses liens privilégiés avec le régime de Bachar al Assad, de ses liens avec le Hezbollah, de sa relation ou plutôt de son absence de relations avec Israël, de même que ses relations difficiles avec l'Arabie Saoudite, donc je crois que sur un certain nombre de sujets il y'aura certainement des désaccords qui vont persister, mais ceci n'empêche pas de développer des relations, notamment dans le domaine économique, avec ce pays ».
Si l'accent est ainsi mis sur le pragmatisme économique, les grands groupes de l'hexagone sont prêts! Peugeot-Citroën prépare son grand retour, après un retrait exigé par un partenaire de circonstance: General Motors. La marque au Lion qui détenait plus d'un tiers des parts du marché automobile iranien, son deuxième marché en volume après la France, espère aujourd'hui produire 200 000 véhicules en renouant avec son ancien partenaire Khodro.
Total aussi compte bien reprendre ses marques, après avoir conservé une représentation dans le pays, d'après son PDG, Patrick Pouyanné, le géant pétrolier aurait signé un accord afin d'acheter à l'Iran entre 150 000 et 200 000 barils par jour.
Mais le contrat qu'on a le plus attendu est certainement la signature au palais de l'Elysée d'un protocole d'accord portant sur la vente de 118 Airbus (73 gros-porteurs et 45 monocouloirs) à Iran Air, et d'après la télévision publique iranienne, l'avionneur européen pourrait être en mesure de livrer 100 appareils dans les 4 prochaines années…
Un renouveau des relations économiques franco-iraniennes, qui n'a pas été du goût de tout le monde, car si Hassan Rohani était l'invité de l'Elysée, on peut dire que son déplacement en France n'a pas fait que des émules:
Si le député Jacques Myard ne cautionne en rien les exécutions en Iran, il a cependant tenu à rappeler que toutes les délégations étrangères ne provoquaient pas le même effet…
« Quand on parle des droits de l'homme, je suis frappé par l'aspect partisan: c'est-à-dire qu'il y'a très peu de protestations sur les exécutions capitales en Arabie Saoudite et en revanche, bien sûr, on a pointé du doigt ce qui se passe en Iran — ce qui ne veut pas dire que j'approuve ce qui se passe en Iran — La question des droits de l'homme, c'est ce que disait Max Gallo: on est tous pour, mais ce n'est pas une explication du monde. Si on veut que le régime évolue de lui-même, ce n'est pas en le maintenant dans un ghetto qu'on y arrivera, il faut faire évoluer les mentalités et les conceptions des droits de l'homme, non pas en ayant une ingérence dans les affaires de ces états, mais en ouvrant petit à petit le dialogue avec eux, de telle manière que les choses évoluent: donc c'est une question de long terme ».
D'autant plus que lors de la visite du ministre iranien des affaires étrangères à la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale, celui-ci aurait déclaré que le président Rohani tenait à promulguer une charte de la citoyenneté plus respectueuse des droits de l'homme…
Jeudi soir, la centaine de chefs d'entreprises et la demi-douzaine de ministres qui ont constitué la délégation d'Hassan Rohani, durant sa double-visite en Europe, avaient avec leurs homologues français signés pour plus de 15 Milliard d'euros de contrats. Un montant comparable à celui de l'Italie, un montant appelé à évoluer en fonction de la levée progressive des sanctions…
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