Les entreprises françaises sourient en signant des protocoles de contrats pour plusieurs milliards d'euro: Airbus, SNCF, Vinci, ADP, Aéroports de Paris, Bouygues, Total, PSA Peugeot Citroën.
Hassan Rohani appelle à "tourner la page" et à oublier "les anciennes rancœurs", Hollande de son côté rassure les compagnies françaises: il est temps de revenir sur le marché iranien. Et il est, sans doute, temps: en dix ans les échanges commerciaux entre les deux pays ont perdu en tonicité montrant des chiffres qui ont été divisés par 7…
Et enfin, l'Iran signe le protocole d'achat de 118 avions Airbus, et pour Jacques Rocca, directeur adjoint du service de presse d'Airbus, la deuxième partie du contrat sera signée dès qu'il y aura plus de précisions sur les droits d'exportations des avions:
"Tous les analystes estiment que, compte tenu de la situation du pays et du fait que la flotte d'Iran Air est très ancienne, il y a très peu d'appareils qui sont aujourd'hui en état de vol, donc il faut un très grand renouvellement. Il faut également faire face à l'augmentation du trafic aérien. Dans le monde, en moyenne, il augmente de 5% par an, c'est-à-dire qu'il double tous les 15 ans. Et on peut s'attendre à ce que la population iranienne souhaite voyager en grand nombre. Donc, on estime à plusieurs centaines, pas loin de 400 avions, le besoin du marché iranien sur les années à venir. Pour le moment, il y a eu une vente de 118 appareils, ce qui est un très bon point de départ, donc on espère qu'il puisse y avoir par la suite, effectivement, de nouveaux contrats."
Il ne faut pas oublier le dispositif du snap back, que l'accord sur le nucléaire comprend, cette possibilité de rétablir les sanctions en cas de manquement de l'Iran à ses obligations. Comment la relation entre Paris et Téhéran va-t-elle évoluer? Bernard Hourcade, spécialiste de l'Iran, explique pourquoi le snap back est peu probable:
"Je crois que les menaces qui pèsent sur l'avenir de l'Iran au point de vue économique sont réelles. Le snap back, comme vous disiez, c'est-à-dire si les sanctions sont reprises, mais aussi le fait que la sécurité régionale avec le conflit en Syrie et en Irak est assez grave, et troisièmement le fait que l'Iran est un pays encore en convalescence du point de vue économique. Mais ces problèmes-là sont largement surmontés, à mon avis, par le fait que la dynamique économique que l'on voit naitre en Iran sera telle qu'il sera impossible, je crois, à un gouvernement quelconque d'imposer un snap back, d'imposer le retour des sanctions et les problèmes politiques et intérieurs qui existent en Iran seront résolus un peu par l'enthousiasme et la dynamique de la renaissance économique. La France a signé beaucoup de contrats, hier, mais pas des contrats, des promesses, des intentions. Toute la question est de le réaliser, c'est-à-dire que les entreprises françaises n'aillent pas en Iran uniquement pour gagner de l'argent, mais, quand on va en Iran, c'est pour 30 ans ou 50 ans. Et donc, c'est une question de travail, et il aura certainement des déçus, des accidents, des échecs. Et je crois que les entreprises françaises ont compris que le retour de l'Iran nécessitait du travail, de la constance et de la persévérance, et je crois que ça changera les choses parce que jamais la France a eu de vraies relations économiques intenses avec l'Iran, au cours des siècles passés. On rentre aujourd'hui dans une nouvelle phase."
"La chose importante, ce n'est pas tellement la fin du nucléaire ou les levées de sanctions économiques, qui sont des choses normales, on revient en situation normale. Le plus important dans ces évènements, c'est le fait que l'Iran désormais est un acteur normal de la vie politique internationale. Et ça, c'est nouveau vis-à-vis des Etats-Unis et vis-à-vis de la région. Il y a 40 ans, l'Iran n'existait pas. En fait, c'était l'Iran du shah, ce n'était pas la République Islamique. Et il y a 40 ans, les monarchies pétrolières n'existaient pas. L'Arabie Saoudite était une petite colonie américaine, de facto. Aujourd'hui, il y a 2 Etats majeurs sur la région, 2 acteurs, 2 acteurs émergeants, puissants, qui sont très différents et qui se font la guerre par pays interposés au Yémen, en Syrie et essentiellement en Afghanistan. Et donc, la grande question du Moyen-Orient: le retour de l'Iran. Mais là il y a une vraie question, et les grandes puissances auraient à cœur de faire en sorte que ce conflit entre l'Iran et l'Arabie Saoudite ne dégénèrent pas, là, un conflit beaucoup plus important que le conflit avec l'Israël, qui est un conflit verbal, un conflit idéologique, en aucun cas un conflit militaire. Alors qu'avec l'Arabie Saoudite, non pas une guerre Iran-Arabie Saoudite, mais une guerre que l'on voit aujourd'hui en Irak ou en Syrie, 300 000 morts en Syrie, ce n'est pas rien."
Les tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite, avec le retour du premier sur la scène internationale, vont probablement empirer. Mais il ne faut pas oublier Israël. D'après Bernard Hourcade, cette guerre-là restera purement médiatique:
"En Israël, personne ne suit vraiment Netanyahou quand il dit que l'Iran est en train de préparer une bombe clandestinement. C'est un discours qui n'a pas de sens. Et, au contraire, pour la sécurité d'Israël, le fait que l'Iran est un pays qui va se concentrer sur le problème de l'Arabie Saoudite, d'une part, et deuxièmement sur son développement économique intérieur, l'Iran n'a que faire d'Israël, ce n'est pas un enjeux politique, ni économique, ni quoi que ce soit, ni même idéologique. Israël a un peu perdu la bataille, et le retour de l'Iran sur la scène internationale est un échec pour Israël qui n'a pas réussi à bloquer ce retour notamment au Congrès américain. Donc, je crois que Israël-Iran fait partie maintenant d'une vieille histoire et qui va revenir de temps en temps mais uniquement au niveau médiatique mais pas au niveau politique."
"Il est à noter que pendant de longues années d'exploitation d'airbus en Iran, il n'y a jamais eu de problème. Alors, une des questions qui se posent aujourd'hui, c'est la vérification du marché de l'aviation civile de la République islamique. D'où l'intérêt pour Sukhoi. Pendant la première phase de la coopération, le leasing apparaît comme le format le plus probable. Nos compagnies aimeraient louer quelques Sukhoi et voir comment ils se montrent en Iran. Premièrement, c'est lié aux particularités des conditions géographiques du pays. Deuxièmement, nous avons besoin d'augmenter le nombre de voyageurs. Il y a 76 aéroports en Iran. La plupart sont servis par des avions avec une petite capacité d'embarquement. Le pays a besoin d'avions capables de transporter 100 passagers et plus. Enfin, selon les estimations du ministère des transports, quasiment toute la flotte devrait être déclassée d'ici peu à cause de la vétusté des avions."
L'Iran reprend son rôle dans la région et dans l'arène internationale. Les changements économiques apportent toujours avec eux des changements géopolitiques. Le paysage va bientôt commencer à se modifier. Reste à savoir si l'Occident va modifier la liste de ses alliés.
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