Bombe H nord-coréenne: un non-évènement stratégique

© Sputnik . Ilya Pitaev / Accéder à la base multimédiadéfilé militaire, Pyongyang
défilé militaire, Pyongyang - Sputnik Afrique
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L'essai réussi d'une bombe à hydrogène par Pyongyang reste à démontrer. Mais il ne constituerait pas, s'il s'avérait valable, une rupture stratégique majeure. Etat le plus militarisé au monde, la Corée du Nord reste une puissance de second rang. L'Analyse de Philippe Migault.

A l'heure où nous écrivons ces lignes, rien ne prouve que le test nucléaire effectué par la Corée du Nord ait été un succès. Certes  le régime nord-coréen a claironné la nouvelle. L'essai a déjà été dénoncé à raison par de nombreux Etats, dont la France et les Etats-Unis. Mais au-delà du séisme, de magnitude 5,1, relevé par les détecteurs, le doute est permis jusqu'à ce que le dépouillement de toutes les données scientifiques et des renseignements aient permis de réaliser une analyse fiable. Les trois premiers essais nord-coréens de bombe A ont suscité suffisamment d'incertitudes pour que la prudence s'impose dans l'immédiat.

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Quoi qu'il en soit la perspective d'une bombe H entre les mains d'une dictature paranoïaque, si elle n'a rien de réjouissant, ne doit pas inquiéter outre-mesure. Aussi fou soit-il, Kim Jong Un ne va pas se lancer dans une aventure militaire qui signifierait la fin de son régime. Son entourage ne partage pas nécessairement sa mégalomanie et veillerait sans doute à ne pas le laisser déraper. Par ailleurs, même si Pyongyang souligne que l'engin testé est miniaturisé, donc apte à être installé sur un vecteur, bombe ou missile, il y a encore loin sans doute entre les rodomontades du régime et la constitution d'un arsenal nucléaire susceptible de soutenir la comparaison avec ses homologues étrangers.

Les cinq Etats nucléaires officiels, Etats-Unis, Russie, France, Chine, Royaume-Uni, tout comme Israël, l'Inde et le Pakistan disposent d'armements nombreux, modernes, diversifiés, précis, nécessitant un bref délai de mise en œuvre. Américains, Russes, Français, Britanniques et, sans doute, Chinois et Israéliens, disposent par ailleurs d'un arsenal nucléaire sous-marin leur conférant une capacité de seconde frappe. 

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La Corée du Nord ne dispose d'aucun de ces atouts. Le meilleur missile intercontinental dont elle dispose à ce jour, le Taepodong-2, n'a été lancé qu'une seule fois avec succès, en 2012, alors que trois autres lancements se sont traduits par autant d'échecs. Produit au compte-gouttes par une industrie nord-coréenne qui, aussi militarisée soit-elle, est potentiellement limitée, le missile ne présente pas de surcroît les caractéristiques nécessaires à la réalisation d'une frappe surprise. Lancé depuis un pas de tir, où il doit longuement stationner pour recevoir son alimentation en combustible liquide avant sa mise en œuvre, il est scruté en permanence par satellite dès qu'un essai se prépare. En cas de doute sérieux sur les intentions de Pyongyang, il serait donc parfaitement possible de détruire l'arme avant qu'elle ne puisse être utilisée. Même si la Corée du Nord avait effectivement la capacité d'installer une tête nucléaire sur un ou plusieurs engins de ce type, elle serait donc menacée de voir ce(s) dernier(s) détruit(s) d'emblée et de se retrouver engagée dans une guerre sans aucune capacité de dissuasion atomique. Précisons par ailleurs que les conditions nécessaires à la pénétration des systèmes de défense antimissiles actuels, mirvage, corps de rentrée ultramanœuvrants associés à des leurres, restent et resteront sans doute hors de portée de la technologie et des finances nord-coréennes. Bien entendu, une tête nucléaire peut être installée à bord d'une bombe d'aviation. Mais Pyongyang ne possède pas de bombardier stratégique lui permettant de frapper à longue distance.

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L'essai atomique de la nuit dernière, même en cas de succès, ne constitue donc pas une rupture stratégique majeure. La Corée du Nord est une dictature sanglante, condamnée à faire peur pour survivre. Il n'y a là rien de nouveau. Son isolement –car le régime ne peut pas compter sur son allié chinois pour cautionner une agression militaire majeure- le contraint à la réserve, en dépit de ses régulières provocations vis-à-vis des Etats-Unis, de la Corée du Sud ou du Japon, lesquels, n'en doutons pas, vont sans doute tirer le meilleur parti de ce test, fût-il raté, sur le plan militaro-industriel. En définitive la population nord-coréenne est, comme toujours, la principale victime des ambitions militaires d'un régime l'affamant pour tenter de se doter d'un arsenal inopérant.

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