La France contre le terrorisme: viser l’intérieur ou l’extérieur?

© REUTERS / Christian HartmannUn drapeau français devant la salle de concert de Bataclan à Paris
Un drapeau français devant la salle de concert de Bataclan à Paris - Sputnik Afrique
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Deux mois après le 13 novembre, un an après Charlie Hebdo, les Français veulent arrêter d’avoir peur et le gouvernement français continue sa lutte contre le terrorisme en changeant sa politique intérieure avec une vitesse enviable. La politique extérieure, elle, ne vit pas au même rythme.

Mais commençons par l’Intérieur. François Hollande ne prolongerait pas d’avantage l'état d'urgence comme c'était prévu. Il prendrait donc fin le 26 février.

L'inutilité de l'état d'urgence semble désormais évidente pour les autorités françaises qui clamaient pourtant autre chose l'année dernière, plus précisément il y a une semaine. C'est Libération qui révèle le scoop. Le peuple doit-il considérer ce changement comme un avancement puisque les forces n'ont plus besoin d'agir dans des conditions spéciales? D'après Thomas Guénolé, spécialiste dans la politique française et sécurité, l'état d'urgence n'est plus qu'un terme officiel pour camoufler des mesures incontrôlables:

"Quand François Hollande décide, apparemment, de ne pas prolonger l'Etat d’urgence, je ne pense pas que ce soit pour envoyer à la population un signal de fin de la menace, puisque, par ailleurs, le gouvernement dans son ensemble répète en boucle qu'il y a une menace terroriste, que la France est en guerre etc. Ce que la population française ne sait pas dans son écrasante majorité c’est que +l'état d’urgence+ en termes concrets, ça veut dire massivement moins de contrôle du pouvoir judiciaire des activités de l'exécutif en général et de la police en particulier. Dit comme ça c'est moins réconfortant". 

Patrouille devant la Cathédrale de Notre-Dame à Paris, le 24 décembre 2015 - Sputnik Afrique
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Toujours à la recherche des coupables, la presse française et occidentale esquivent l'évidence et visent souvent les personnes ou les organisations qui ne peuvent pas être pleinement responsables, puisque ce ne sont pas eux qui décident en fin de compte. Thomas Guénolé explique:

"Dans les médias français il y a des mises en cause qui se multiplient sous la forme de pointage des défaillances, des dysfonctionnements, des problèmes de fonctionnement, mais la responsabilité des dirigeants, donc des chefs de différents services de police de services de renseignement, la responsabilité du ministère de l'Intérieur dans ces dysfonctionnements, ces failles et manquements n’est pas pointée comme telle. Elle n'est pas explicitement dite alors que c'est parfaitement logique: quand il y a une accumulation de problèmes, le responsable par définition c'est le chef, sinon ce n'est pas un chef". 

Les décisions prises par l'Etat à l'intérieur du pays font polémique, comme l'état d'urgence, qui pourrait bientôt devenir un souvenir, ou encore la déchéance de nationalité, le débat est toujours ouvert et risque d'avoir beaucoup de conséquences. Mais de nombreux experts attendent l'ouverture d'un vrai débat sur la politique extérieure du pays. La relation diplomatique et commerciale entre la France et l'Arabie Saoudite est souvent remise en cause, surtout après les exécutions du début de l'année. Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, historien et essayiste français estime que cette relation entre les deux pays n'est pas le seul problème de la diplomatie de l'Hexagone:

"La critique ça va surtout dans les relations avec l'Arabie Saoudite et le Qatar. Pour le reste, effectivement, la France a surtout joué la solidarité occidentale. Ce qu'on peut reprocher peut-être à la diplomatie française aujourd'hui c'est d’avoir été très hésitante dans sa ligne syrienne. C'est-à-dire d'avoir considéré que c'était Assad, d'abord, l’ennemi principal et il a fallu attendre les attentats de novembre pour que ce soit clarifié qu'on parle de Daech". 

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Paris "déplore profondément" les exécutions en Arabie saoudite
L'hésitation de la France et de ses alliés occidentaux pourrait bien porter ses fruits: plus le temps passe, plus les relations avec certains pays du Golfe provoquent des vagues de critiques dans la société et dans les médias, car selon Pierre Conesa, l'Occident et l'Arabie Saoudite n'interprètent pas "le terrorisme" de la même manière:

"On se rend compte que l'Arabie Saoudite est en train de mener une politique extrêmement dangereuse puisqu'elle a constitué une coalition anti-terroriste et c'est l'ayatollah Nimr vient d'être exécuté la semaine dernière. Donc les Saoudiens ont une définition du terrorisme qui n'est certainement pas la nôtre, donc il va falloir prendre ses distances vis-à-vis de l'Arabie Saoudite et en particulier calmer le jeu et les tensions qui commencent à monter entre Téhéran et Riyad. Là, il faut espérer que la diplomatie française sera plus visible".

Le mécontentement du peuple envers les mesures choisies par un gouvernement, ce n'est pas la chose la plus grave, les éventuelles conséquences d'un silence trop long de la part de l'Occident et notamment de la France pourraient être bien plus impressionnantes. Mais la diplomatie occidentale cherchera-t-elle à changer? Pierre Conesa n'en est pas certain:

"L’Occident de manière générale s'est toujours tu, n’a jamais prononcé de condamnations sur les exécutions qui sont faites par l'Arabie Saoudite alors qu'en fait on a donné des leçons à la planète entière. Comment donc expliquer cette espèce de silence poli à chaque fois que des excès sont faits par l'Arabie Saoudite? C'est parce qu’il y a véritablement une vieille attitude d'une grande lâcheté voire d'une grande veulerie de la part des occidentaux pour ne pas toucher au marché important que signe l'Arabie Saoudite. Est-ce que ça va changer cette fois-ci? On va voir. Mais vous savez, les diplomates disent toujours que la diplomatie discrète est plus efficace que la diplomatie visible en Arabie Saoudite. Personnellement  j'en doute et  je n'ai jamais vu un changement de politique".    

L'état d'urgence, la déchéance de nationalité: l'hystérie règne toujours dans la politique intérieure française. Les conseils timides des experts de prendre  des décisions plus fermes dans la politique extérieure seront-ils entendus? A suivre…

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

 

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