La Turquie sous la présidence de Recep Tayyip Erdoğan demeure en 2016 l'une des principales préoccupations pour l'Europe, confrontée à la crise des migrants, ainsi que pour tous les acteurs qui luttent contre l'Etat islamique (EI, Daech) au Proche-Orient, écrit le journaliste américain Michael Goldfarb.
Dans son article pour Politico, M.Goldfarb rappelle qu'environ 800.000 migrants ont gagné l'année passée l'Union européenne via la Turquie. En novembre, les dirigeants de l'UE ont accepté d'octroyer à Ankara trois milliards d'euros pour gérer le flot de réfugiés depuis la Syrie, où les terroristes de Daech sont particulièrement actifs.
En même temps, le gouvernement d'Erdoğan mène une campagne militaire contre les Kurdes turcs. En décembre, l'armée turque a assiégé de grandes villes au "cœur du Kurdistan", dans le sud-est de la Turquie, sous prétexte de combattre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
"Quoi qu'il en soit, la tactique du gouvernement turc rappelait plutôt des représailles massives", signale le journaliste.
Et d'ajouter que la ville de Çizre avec plus de 100.000 habitants avait été encerclée, et les citadins avaient été obligés à se cacher des pilonnages pendant plus de dix jours.
"Cela fait penser à une guerre menée par l'Etat contre la population de Çizre", a déclaré à la BBC un employé municipal qui se cachait avec 26 autres habitants de la ville dans un appartement.
M.Goldfarb relève que les dirigeants occidentaux sont vivement préoccupés par cette guerre disproportionnée que le gouvernement turc mène contre les Kurdes qui luttent contre les djihadistes de Daech au sol.
"Mais si la lutte contre Daech est la +lutte de notre génération+ (comme l'a déclaré le premier ministre britannique David Cameron, ndlr), pourquoi nos leaders tolèrent alors le gouvernement turc qui mène la guerre contre les gens qui combattent avec succès les terroristes de l'EI", se demande le journaliste.
Qui plus est, d'après l'analyste, les actions d'Ankara empêchent les Kurdes syriens et turcs d'entrer en contact pour faire front uni contre les islamistes.
Par ailleurs, le président turc a récemment ordonné à ses troupes d'entrer en Irak et ce, sans être y invitées par Bagdad. Le président américain Barack Obama a appelé Ankara à la "détente", mais en vain.
Mais tout cela s'estompe en comparaison avec la décision d'Ankara d'abattre le bombardier russe engagé dans l'opération anti-EI en Syrie, selon le journaliste.
"Si un autre incident survient, ce qui n'est pas à exclure, vu à quel point l'espace aérien à la frontière entre la Syrie et la Turquie est saturé, et que la Russie décide de riposter et abat un avion turc, qu'arrivera-t-il alors? La Turquie fait partie de l'Otan, et en réponse aux actions de Moscou, l'Alliance pourrait donc appliquer l'article 5 de sa Charte sur la "défense collective". Se déciderait l'Otan à une guerre contre la Russie?", demande le journaliste, indiquant que pour le moment, cette question reste sans réponse pour la plupart des dirigeants de l'Alliance.
Un avion russe Su-24 a été abattu en Syrie par la Turquie. Selon le ministère russe de la Défense, l'avion se trouvait à une altitude de 6.000 m et n'a jamais quitté l'espace aérien syrien, ce qui a été fixé par des systèmes de contrôle objectifs.
En vertu de l'article 5 de la Charte de l'Otan, une attaque armée contre l'une ou plusieurs parties survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties. Par conséquent, si une telle attaque se produit, chacune d'elles assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt toute action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée.