La Turquie est liée avec tout un réseau de groupes d'islamistes radicaux et a par conséquent les mêmes ennemis que l'Etat islamique (EI, Daech), constate dans son article pour le magazine américain Politico le professeur de relations internationales à l'Université Marmara d'Istanbul, Behlül Özkan.
"Le soutien aux forces d'opposition en Syrie pose un sérieux problème, la Turquie et ses alliés soutenant différents groupes, et l'apparition de Daech n'a fait qu'aggraver la situation", constate l'expert.
Et de rappeler que de hauts responsables américains avaient récemment critiqué Ankara pour ses liens avec des islamistes radicaux.
Le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a notamment constaté que les Turcs soutenaient "n'importe qui parmi ceux qui luttaient contre (le président syrien Bachar el-) Assad", y compris les terroristes du Front al-Nosra.
"Malgré ces déclarations, les radicaux en Syrie reçoivent régulièrement du matériel militaire de l'Arabie saoudite et du Qatar via la Turquie, alors que la CIA n'en ignore rien", fait remarquer M.Özkan.
L'expert retient trois ennemis de Daech qui préoccupent tout particulièrement Ankara: les Kurdes, les arabes-chiites et le régime de Bachar el-Assad.
Dès le début du "printemps arabe" en 2011, Ankara a fait tout pour renverser Assad. Les Kurdes qui combattent depuis de longs mois les djihadistes de l'EI aux abords des villes syriennes de Kobané et de Hasaka appartiennent à la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), contre lequel les Turcs luttent depuis 30 ans. Qui plus est, le fait que les chiites sont au pouvoir en Irak ne plaît pas du tout à Ankara, préoccupé en outre par l'influence croissante de l'Iran dans le sud de l'Irak.
"La Turquie et Daech ont les mêmes ennemis dans la région", fait la conclusion M.Özkan.
Mais c'est sans doute le président russe Vladimir Poutine qui est, selon l'expert, le critique le plus intransigeant de la politique turque à l'égard de l'Etat islamique. Il rappelle que le chef de l'Etat russe a qualifié la destruction par la Turquie d'un Su-24 engagé dans l'opération contre Daech en Syrie de "coup de poignard dans le dos de la part des acolytes des terroristes".
De plus en plus préoccupées, les autorités turques cherchent désespérément une issue à cette situation embarrassante dans laquelle elles se trouvent impliquées à cause de leurs liens avec l'Etat islamiques.
La tension entre la Russie et la Turquie ne cesse de monter après l'incident de l'avion russe Su-24 abattu le 24 novembre dernier par un chasseur turc F-16. Le bombardier russe a été abattu quelques jours après le début des frappes russes contre les convois de pétrole de contrebande de Syrie vers d'autres pays dont la Turquie.