Un référendum s’est tenu le jeudi 3 décembre au Danemark (1). Il a vu la nette victoire du « non » et des eurosceptiques. Au-delà du résultat, ce référendum soulève de multiples interrogations. La première concerne le faible retentissement médiatique de ce référendum en France.
L'étonnant silence de la presse française
On est frappé par la rareté des commentaires dans les médias français. Un simple test le prouve. Une demande de recherche sur Google actualités ne produit que 170 résultats, dont certains ne concernent pas les médias français. Dans une liste d'environ 150 références des médias français (2), on trouve une très large part d'articles qui ne sont que des reprises, soit in extenso soit partielle, de l'article qui a été publié le 3 décembre au soir par l'AFP. La différence avec la presse anglo-saxonne ici saute aux yeux. Les commentaires sur ce référendum ont été nombreux (3).
On constate une nouvelle fois que, quand peuvent se retrouver sur un terrain commun, des souverainistes de gauche et de droite, ces derniers ont une large majorité. Ceci avait déjà été constaté en France lors du référendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen. Et ceci gêne sans doute autant, voire plus, les éditorialistes à gages de notre presse nationale que le simple résultat. Cela pourrait donner des idées au bon peuple de France. Voici donc une autre raison de ce silence relatif, et il faut le dire bien intéressé. Ce référendum porte en lui une critique de l'européisme. C'est pourquoi il convient de faire silence dessus. Ah, elle est belle la presse libre en France; elle est belle mais elle est surtout silencieuse quand il convient à ses propriétaires…
Dans les rares articles que les journaux, ou les autres médias français, consacrent aux résultats de ce référendum, on pointe avant tout la nature « technique » de la question posée: fallait-il remettre en cause les clauses dites « d'opting-out » négociées par le Danemark avec l'Union européenne pour permettre une meilleure coopération policière entre ce pays et les instances policières européennes (Europol pour les nommer). Mais, si l'énoncé de la question était assurément technique, il faut beaucoup d'aveuglement, bien de la cécité volontaire, pour ne pas voir que la réponse apportée par les danois fut avant tout politique.
Il convient ici de rappeler que ce référendum a connu une forte participation. Près de 72% des électeurs danois se sont déplacés pour voter, ce qui constitue un record dans des référendums portant sur l'Europe. C'est bien la preuve que les danois ont compris que, derrière une apparence technique, la question était bien avant tout politique. D'ailleurs, cette dimension politique ressortait bien de la campagne qui se déroula avant ce référendum. Les questions de la suspension des accords de Schengen, de l'intégration européenne, des coopérations multiples, furent en réalité largement débattues.
L'heure des bilans
Ces bilans vont se multiplier, que les dirigeants le veuillent ou non. La Grande-Bretagne votera sur son appartenance à l'Union européenne en 2016 et, n'en doutons pas, on y suit de très près les implications du référendum danois. On votera sans doute sur la question de l'Euro en Finlande, en 2016 ou en 2017. Ce vote aura aussi une importante signification. Mais, surtout, c'est dans sa pratique au jour le jour que l'Union européenne sera confrontée à cette demande de bilan.
Il est plus que temps de dresser le bilan de ces actes, d'évaluer la politique poursuivie par les institutions européennes et leurs diverses affidés, de gauche comme de droite, en Europe. On peut comprendre, à voir l'importance de l'investissement politique et symbolique qu'ils ont consenti, que les dirigeants européistes voient avec une certaine angoisse s'avancer l'heure où ils devront rendre des comptes.
(1)Milne R., « Danish referendum rejects further EU integration », The Financial Time, 3 décembre 2015.
(2)Dont le commentaire de Sputnik, « Les danois disent ‘non' à plus d'Europe ».
(3)Orange R., « Denmark delivers snub to Brussels with ‘no' in EU rules referendum », in The Telegraph, 3 décembre 2015.
(4)Jean-Jacques Mevel in Le Figaro, le 29 janvier 2015, Jean-Claude Juncker: « la Grèce doit respecter l'Europe ». Ses déclarations sont largement reprises dans l'hebdomadaire Politis, consultable en ligne: http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890.html
(5)Evans-Pritchards A., « European 'alliance of national liberation fronts' emerges to avenge Greek defeat », The Telegraph, 29 juillet 2015.
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