Il y a deux ans, j'écrivais un article exposant et synthétisant une théorie qui semble de plus en plus se répandre et qui plonge les origines du conflit syrien dans un conflit opposant des projets énergétiques concurrents, en l'espèce un projet irano-irako-syrien et un projet Qataro-saoudo-turc qui aurait pu permettre de raviver le projet occidental Nabucco, destiné à émanciper l'Europe du gaz russe et empêcher la construction du projet russe South Stream.
Les pressions américaines ont permis à ce que les Russes ne se voient contraints d'annuler le projet South Stream et de le remplacer par au sud le Turkish Stream et au nord par une augmentation des volumes du North Stream pour le plus grand bonheur de Berlin. Si Ankara devrait encore avoir la possibilité de fournir l'Europe en gaz russe, elle semble par contre avoir définitivement perdu son rêve d'acheminer du gaz qatari vers l'Europe par le territoire syrien puisque l'entrée en guerre de la Russie en Syrie ne devant en effet pas permettre un effondrement du régime aussi rapide que les diplomaties hostiles à Damas, en premier lieu les Turcs, ne l'avaient envisagé.
Comme on peut le voir sur ces cartes le projet de gazoduc qataro-saoudo-turc devait traverser le centre de la Syrie (soit la zone de Palmyre occupée par Daech) pour finir à passer au nord d'Alep, de façon surprenante et bien évidemment pas hasardeuse au cœur de la zone tampon qu'Ankara souhaiterait établir.
Mais la potentielle chute du régime syrien, qu'analystes et journalistes ne cessent de nous décrire comme le scénario du pire pour Moscou, semble poser un autre problème tout aussi important à une autre puissance d'envergure: la Chine.
Pékin consommait autour de 50% de l'énergie irakienne en 2013 et ces chiffres étaient censés augmenter au cours des prochaines années. En Libye, la Chine avait également de nombreux intérêts et procédé a de nombreux investissement pour avoir accès à la manne pétrolière du pays. La chute de Kadhafi a également porté un coup à Pékin.
La Chine voit en effet ses sources en énergie se faire peu à peu détruire par la politique occidentale dans la région et on peut imaginer que Pékin entend désormais porter une attention particulière au sort de Damas tant pour des raisons politiques qu'économiques.
Aujourd'hui, différents tronçons sont envisagés, tant terrestres que maritimes. Le nœud méditerranéen est fondamental pour permettre une connexion entre le sud de l'Eurasie et l'Océan Indien vers l'Europe. A ce titre tant les ports turcs que libanais ou syriens sont jugés par Pékin comme fondamentaux et comme l'explique parfaitement la brillante Christina Lin: « Sans Damas, il n'y a pas de cohésion globale pour le projet chinois de route de la soie ».
Alors que le projet de Califat semble interférer avec le projet de route de la soie, est-ce que Pékin pourrait, dans un avenir proche, estimer qu'il est de son devoir de sécuriser et stabiliser les zones traversées par la route de la soie, comme elle le fait en Asie centrale ou dans le golfe d'Aden contre la piraterie globale?
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