Mais, on ne donne jamais de définition précise de ce que pourrait être une "guerre des monnaies". Les définitions possibles, par ailleurs, ne cadrent pas avec ce que l'on constate, même si les mouvements des taux de changes n'obéissent pas à une logique unique. Si la "guerre des monnaies" n'est pas une chose impossible, et qu'il y a eu des cas où l'on a cherché à déstabiliser un pays par sa monnaie, le risque d'entrer dans un conflit généralisé sur les monnaies apparaît beaucoup plus réduit que ce que l'on pense en général.
L'expression revient souvent sous la plume de commentateurs dès que l'on est confronté à des fluctuations importantes des taux de change. Implicitement, l'idée est qu'un (ou des) gouvernement aurait la possibilité de faire baisser le taux de change de sa monnaie afin de dégager un fort avantage compétitif pour son pays au détriment des autres. On est donc ici dans une logique de prise d'avantages "hors marché" mais par l'intermédiaire du marché. La guerre des monnaies, dans cette définition, ne serait qu'une variante des politiques mercantilistes du XVIIème et du XVIIIème siècles.
Une autre définition possible de la "guerre des monnaies" concerne la possibilité pour un pays de tenter de déstabiliser un autre pays en provoquant une baisse (ou une hausse) importante de sa devise. Dans cette définition il faut que la dépréciation (ou l'appréciation) de la devise soit très rapide et très brutale afin de provoquer des troubles tant politiques qu'économiques et sociaux dans le pays visé. A cette définition on peut rattacher les mouvements de grande spéculation lancés par des opérateurs privés (et G. Soros fut ici un bon exemple au début des années 1990) visant à faire baisser une devise afin d'en tirer profit. Ils sont ce que la piraterie était à la guerre.
Sommes nous confrontés à une "guerre des monnaies"?
L'hypothèse d'une "guerre des monnaies" repose donc sur l'idée que les gouvernements auraient les moyens de contrôler le taux de change et que les mouvements de ce dernier ne pourraient pas être expliqués par des mécanismes économiques. En fait, pour que la première condition soit remplie, la spéculation, devraient être contrôlée. Il y a très peu de pays qui sont dans ce cas. Seule, parmi les monnaies qui comptent, la Chine maintient une forme résiduelle de contrôle des capitaux. Pour ce qui est de la seconde condition, un état des lieux est nécessaire.
Mais, si l'on peut dire que l'Allemagne conduit bien une politique mercantiliste par le biais des institutions monétaires, ce qui est une des définitions de la "guerre des monnaies", ce n'est pas le seul cas de manipulation largement politique du taux de change.
Dans une logique de court terme, il est clair que nous avons eu en décembre 2014, une attaque contre le rouble qui a eu des causes et des motifs politiques. La très forte dépréciation de la monnaie russe alors, suivie par une "contre-spéculation" efficace qui fit perdre des sommes considérables aux spéculateurs, fut bien un cas de "guerre des monnaies". Mais, ce fut un cas où l'on laissa à des intermédiaires la responsabilité de l'attaque, même s'il est clair que cette attaque était coordonnée depuis un pays donné. Par ailleurs, l'efficacité de cette "guerre des monnaies" semble avoir été des plus limitée. Par contre, la dépréciation de la monnaie russe de juin 2015 à septembre 2015 s'explique entièrement par des motifs économiques, essentiellement la poursuite de la chute du prix du pétrole.
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