L'intervention historique du président russe à l'Assemblée générale de l'ONU, intervention qui s'inscrit historiquement dans la foulée de celle de Munich en 2007 ne laissait pourtant que peu de doutes à ce sujet, le président russe y affirmant clairement la nécessité de "fournir une aide tous azimuts au gouvernement syrien légal", analyse d`Alexandre Latsa.
Au passage, l'ambassade américaine en Syrie a confirmé avoir reçu une requête des autorités russes pour qu'aucun avion américain ou de la coalition ne survole le territoire syrien. Pour ceux qui avaient des doutes, ces trois derniers jours ont confirmé que quand Poutine dit quelque chose, il le fait, mais aussi et surtout que la Russie, qui au cours des dernières années a confirmé son statut de puissance régionale, confirme également son statut de puissance internationale.
Cette guerre de l'information a visiblement contaminé tant le MAE Français que nos spécialistes nationaux qui se sont levés d'une seule voie pour affirmer que la Russie ne frappait que l'opposition modérée et non Daech. Dans une déclaration commune, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie et le Royaume-Uni ont demandé à la Russie de cesser de viser l'opposition modérée tandis que l'Arabie Saoudite a exigé de la Russie qu'elle cesse purement et simplement son opération militaire.
Pas de chance, après avoir affirmé que la Russie ne s'en prenait pas à Daech, les centres occidentaux ont été contraints de revoir leur copie lorsque la Russie s'est mise à frapper l'EI au cœur de son sanctuaire: au sein de la région de Raqqa. Paris et Washington sont désormais contraints de changer leur logiciel narratif et de demander la Russie de ne frapper "que" l'EI, oubliant ainsi la nébuleuse islamiste comprenant le front Al-Nosra (la variante syrienne d'Al-Qaïda) ou encore l'Armée du Salut qui s'est fortement implantée dans la zone d'Idlib et comprend de nombreux mercenaires turkmènes. Ces groupes radicaux (Al-Qaïda!) ne doivent-ils pas être combattus par la Russie?
On ne sait trop si c'est une forte incompétence, une mauvaise foi insensée ou un manque de courage qui ronge les diplomaties occidentales…. Le cas de la France est sans doute pour les Français le plus préoccupant. En décembre 2012, notre ministre des Affaires étrangères affirmait que les jours d'Assad étaient comptés et rappelait les grands principes du droit international: "il ne peut pas y avoir d'intervention militaire (en Syrie) s'il n'y a pas une décision internationale légale".
On peut ainsi mesurer, en 36 mois, l'absence totale de visibilité de la France dans ce dossier. On pourrait en rire si ce n'était tragique.
Il est du reste intéressant qu'après un an de bombardement de cette gigantesque coalition qui s'en est soi-disant pris au terrorisme en Syrie, celui-ci n'ait cessé de croître, les groupes radicaux prenant le contrôle de 60% du territoire contre 30% il y a un an. Pour Alexey Pushkov, président de la commission des Affaires étrangères à la Douma russe, la coalition n'a "volontairement pas bombardé l'EI depuis un an mais s'est contentée de bombarder le désert vide".
Il est difficile de dire ce qui devrait se passer en Syrie.
En Syrie, les troupes russes devraient vraisemblablement concentrer leurs frappes sur quatre grandes zones:
— La province d'Idlib, aux mains d'Al-Qaïda et de l'Armée du Salut, pour éviter que ces groupes ne s'approchent de la côte zone côtière de Lattaquié d'où est originaire la minorité alaouite et où sont installées les bases russes;
— La zone au nord et à l'Est d'Alep pour libérer la ville de la pression de l'EI, permettre aux loyalistes de se concentrer sur la reprise des parties de la ville qui leur échappent et surtout briser la dynamique en cours à la frontière turco-syrienne d'où des centaines de combattants s'infiltrent en Syrie;
— Le sud-est d'Homs et la zone de Palmyre pour sécuriser les grands axes Sud-Nord et Est-Ouest, et tenter de désenclaver la ville de Deir-El-Zor;
— La bande territoriale du nord-est du pays, autour de Raqqa, qui est considéré comme le fief de Daech.
Signe des temps, pendant que la Russie combat l'EI sur le terrain, l'OTAN lance ses plus importantes manœuvres militaires en dix ans en Europe, en y incluant ses "partenaires" tel que l'Ukraine en faillite.
Washington ne se trompe-t-il pas, une fois de plus, d'ennemi?
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.