Le village
Fondé en 1847 sur la côte ouest de la péninsule de Kenai, Ninilchik a été choisi comme lieu d'habitation pour les employés retraités de la Compagnie russo-américaine (en charge de l'aménagement de l'Alaska) et de leurs familles. Plus tôt, un décret de l'empereur russe Alexandre Ier avait accordé aux enfants nés de mariages mixtes entre les Russes et les Aléoutes ou les Esquimaux le statut de créoles, qui leur permettait d'être éduqués puis de travailler pour la Compagnie. Quatre familles ont été les premières à s'installer à Ninilchik, dont deux — les Kvasnikov et les Oskolkov — y habitent toujours.
Joe et Selma Liman
Aujourd'hui à Ninilchik, on parle anglais. Certains habitants connaissent quelques mots de russe, mais les locuteurs du dialecte de cette région ont presque disparu. Joe Liman, 96 ans, et sa femme Selma, 87 ans, née Oskolkoff, en font partie. Joe a passé toute sa vie dans ce village et a conservé cette langue en parlant avec sa mère. Selma, elle, a quitté l'Alaska pendant longtemps mais est retournée à Ninilchik après la mort de son premier mari. Une équipe de linguistes travaillant sur un dictionnaire parlaient avec Joe et Selma surtout de leur enfance, car ces souvenirs actualisaient la langue qui servait de moyen de communication à l'époque.
La langue russe
Les Esquimaux, les Aléoutes et les Athabasca convertis à l'orthodoxie utilisaient le russe pour communiquer avec les employés de la Compagnie. L'Église orthodoxe contribuait également à la diffusion de la langue russe en Alaska. Si la Compagnie russo-américaine est partie de la péninsule en 1867 après la vente de ce territoire aux USA, la dernière école de la paroisse y a été ouverte en 1894. À Ninilchik, l'école russe auprès de l'église de la Transfiguration a été remplacée par une école anglophone après 1917 — selon les souvenirs des habitants, les élèves y étaient punis s'ils parlaient leur langue maternelle.
Le dialecte de Ninilchik
Après la vente de l'Alaska, la langue russe a continué de se développer dans l'isolement, et au XXe siècle elle a échappé à l'influence soviétique. Elle a ainsi gardé les anciennes significations des mots, a donné naissance à ses propres formes et a emprunté des nouveautés lexicales — des langues locales et de l'anglais. Ces changements ont affecté la phonétique et les formes grammaticales: ainsi, le dialecte a complètement perdu le genre neutre et partiellement le féminin. À la fin des années 1990, à la demande des habitants eux-mêmes, les linguistes Mira Bergelson et Andreï Kibrik sont venus de Moscou à Ninilchik pour décrire le dialecte et en faire un dictionnaire. Ce travail se poursuit jusqu'à aujourd'hui. Les mots sont notés en alphabet latin, plus abordable pour les locaux.
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