Le diktat européen du 13 juillet a ébranlé en profondeur non seulement la zone euro mais, au-delà, l'ensemble de l'Union européenne. Loin de régler la crise grecque, il annonce d'autres crises bien plus profondes et bien plus radicales.
Le diktat pour rien
Il est désormais clair que l'accord, en réalité un diktat, extorqué à la Grèce lors de la réunion de l'Eurogroupe et du Conseil européen dans la tragique nuit du 12 au 13 juillet, n'a rien réglé. Non seulement le soi-disant "accord" se révèle d'heure en heure inadapté et inapte à traiter le fond du problème, mais on se rend compte que cet accord n'apportera aucun répit (1). En effet, si lundi 20 juillet, les banques grecques ont à nouveau ouvert leurs portes, les opérations qu'elles feront seront extrêmement limitées. Les retraits de la population ne pourront toujours pas excéder 420 euros par semaine, même si cette somme pourra être retirée en une fois. Les opérations financières des entreprises grecques resteront toujours très limitées.
Le coût politique de cette crise
Mais, il faut comprendre que le coût principal de ce diktat ne sera pas économique. Il est et sera, en réalité, politique (3). Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour le dire (4). En fait, les conditions dans lesquelles les termes de ce véritable diktat ont été imposés a fait exploser la prétention de l'Union européenne d'être un espace de coopération et de solidarité, dénué de conflits. Ils ont fait exploser la prétention de l'Union européenne à être une structure promouvant la démocratie. Le visage autoritaire, et même dictatorial de l'Union européenne s'est clairement dévoilé. La zone euro quant à elle s'est révélée n'être qu'un instrument de domination voulu par l'Allemagne avec l'acquiescement de la France. L'Allemagne va d'ailleurs très vite comprendre le prix politique réel de son apparente victoire. Elle a fait disparaître en quelques jours tout le capital de sympathie relative, et en tous cas de respectabilité, qu'elle avait acquise en plusieurs dizaines d'années. Il est donc désormais très probable que l'on va assister à un aiguisement des conflits au sein tant de l'Eurogroupe (la zone euro) que de l'Union européenne également. Il est aujourd'hui évident que les dirigeants allemands sont désormais devant l'alternative suivante: soit ils acceptent la transformation de la zone euro en une Union de transfert, ce qu'ils ont toujours refusé depuis 1999, et qu'ils ne peuvent accepter d'un strict point de vue comptable, soit ils organisent la sortie de la Grèce de la zone euro, mais dans des conditions qui entraîneront bien vite l'implosion de l'ensemble de cette zone. C'est pourquoi ils tentent désespérément de trouver une troisième voie, l'instauration d'un système à deux monnaies en Grèce pour prétendre que celle-ci fait toujours partie nominalement de la zone euro. Mais, les systèmes bi-monétaires, quand le pays qui les subit n'a plus le contrôle de sa Banque centrale, se révèlent extrêmement instables.
Le débat sur la viabilité de l'euro
— —------------------------------------
1) Galbraith J., « Greece, Europe, and the United States », Harper's Magazine, 16 juillet 2015
2) Barro J., « The I.M.F. Is Telling Europe the Euro Doesn't Work », The New York Times, 14 juillet 2015
3) Comme le constate D. Tusk. Voir P. Spiegel « Donald Tusk interview: the annotated transcript », Financial Times, 16 juillet 2015
4) Le Point, « DSK fait encore la leçon », 18 juillet 2015
5) Interview d'Otmar Issing dans Corriere della Sera, 16 juillet 2015,