Les conséquences du diktat européen

© REUTERS / Alkis KonstantinidisМужчина сжигает евро-банкноту во время акции протеста против ЕС в Греции
Мужчина сжигает евро-банкноту во время акции протеста против ЕС в Греции - Sputnik Afrique
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La crise grecque, dont on pressent qu'elle est loin d'être achevée, aura eu pour une de ses premières conséquences d'avoir exposé la véritable nature de la zone euro et d'avoir permis au débat sur l'euro lui-même de revenir au premier plan.

Le diktat européen du 13 juillet a ébranlé en profondeur non seulement la zone euro mais, au-delà, l'ensemble de l'Union européenne. Loin de régler la crise grecque, il annonce d'autres crises bien plus profondes et bien plus radicales.

Le diktat pour rien
Il est désormais clair que l'accord, en réalité un diktat, extorqué à la Grèce lors de la réunion de l'Eurogroupe et du Conseil européen dans la tragique nuit du 12 au 13 juillet, n'a rien réglé. Non seulement le soi-disant "accord" se révèle d'heure en heure inadapté et inapte à traiter le fond du problème, mais on se rend compte que cet accord n'apportera aucun répit (1). En effet, si lundi 20 juillet, les banques grecques ont à nouveau ouvert leurs portes, les opérations qu'elles feront seront extrêmement limitées. Les retraits de la population ne pourront toujours pas excéder 420 euros par semaine, même si cette somme pourra être retirée en une fois. Les opérations financières des entreprises grecques resteront toujours très limitées.

A one Euro coin with a Greek owl is seen burning in this picture illustration taken in Hanau, Germany July 3, 2015 - Sputnik Afrique
Grèce: la politique de la canonnière
En fait, cette situation de pénurie de liquidités qui a été organisée par la Banque centrale européenne porte un coup fatal à l'économie grecque. Le pourcentage des prêts dits "non-performants" a très fortement augmenté depuis le 26 juin dernier. Les besoins en financement des banques grecques sont passés de 7 à 10 milliards d'euros fin juin à 25-28 milliards au 15 juillet et pourraient atteindre la somme de 35 milliards vers le milieu de la semaine prochaine. En fait, le système bancaire grec a été délibérément détruit par les pressions exercées par la Banque centrale européenne à des fins essentiellement politiques. Les montants qu'il faudra accorder à la Grèce simplement pour que le pays ne sombre pas dans un chaos total s'il devait rester dans la zone euro ne sont plus désormais de 82 à 86 milliards d'euros comme estimé le 13 juillet, mais plus probablement de l'ordre de 120 milliards d'euros. La dette de la Grèce est aujourd'hui moins que jamais "soutenable" et l'accord n'a rien fait pour en assurer la soutenabilité (2). Si Mme Merkel, M. J-C Juncker et M. Dijsselbloem sont les "vainqueurs" d'Alexis Tsipras, ils sont en train de comprendre ce que signifie l'expression de "victoire à la Pyrrhus".

Le coût politique de cette crise
Mais, il faut comprendre que le coût principal de ce diktat ne sera pas économique. Il est et sera, en réalité, politique (3). Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour le dire (4). En fait, les conditions dans lesquelles les termes de ce véritable diktat ont été imposés a fait exploser la prétention de l'Union européenne d'être un espace de coopération et de solidarité, dénué de conflits. Ils ont fait exploser la prétention de l'Union européenne à être une structure promouvant la démocratie. Le visage autoritaire, et même dictatorial de l'Union européenne s'est clairement dévoilé. La zone euro quant à elle s'est révélée n'être qu'un instrument de domination voulu par l'Allemagne avec l'acquiescement de la France. L'Allemagne va d'ailleurs très vite comprendre le prix politique réel de son apparente victoire. Elle a fait disparaître en quelques jours tout le capital de sympathie relative, et en tous cas de respectabilité, qu'elle avait acquise en plusieurs dizaines d'années. Il est donc désormais très probable que l'on va assister à un aiguisement des conflits au sein tant de l'Eurogroupe (la zone euro) que de l'Union européenne également. Il est aujourd'hui évident que les dirigeants allemands sont désormais devant l'alternative suivante: soit ils acceptent la transformation de la zone euro en une Union de transfert, ce qu'ils ont toujours refusé depuis 1999, et qu'ils ne peuvent accepter d'un strict point de vue comptable, soit ils organisent la sortie de la Grèce de la zone euro, mais dans des conditions qui entraîneront bien vite l'implosion de l'ensemble de cette zone. C'est pourquoi ils tentent désespérément de trouver une troisième voie, l'instauration d'un système à deux monnaies en Grèce pour prétendre que celle-ci fait toujours partie nominalement de la zone euro. Mais, les systèmes bi-monétaires, quand le pays qui les subit n'a plus le contrôle de sa Banque centrale, se révèlent extrêmement instables.

Le débat sur la viabilité de l'euro

This photo taken in Athens on July 11, 2015 the map of Europe represented on a euro coin and banknotes - Sputnik Afrique
L'intransigeance allemande, le début de la fin pour l'Union européenne ?
De plus, quelles que soient les différentes tentatives pour résoudre cette crise grecque, il est clair qu'elle ouvre de manière particulièrement violente le débat sur la viabilité de l'euro. Il est très significatif que l'ancien économiste en chef de la BCE pose ouvertement ce problème (5). Ici encore, les voix se multiplient. Il est donc clair que ce débat, longtemps supprimé et réprimé, est désormais en train d'éclater. Les arguments d'autorité qui sont souvent avancés, et en particulier en France, ne pourront plus convaincre. L'ouverture d'un véritable débat sur les coûts tant économiques que politiques de l'euro est le signe évident de sa décomposition. Bien entendu, les facteurs de blocage restent importants, ne serait-ce que parce qu'un tel débat remet en cause la légitimité d'une grande partie de la classe politique en France. Mais, cette classe politique désormais ne peut plus mettre son véto sur le débat lui-même et elle devra, dans les semaines qui viennent, faire face à une montée de critiques. C'est le début de la fin. Il n'y a vraisemblablement plus que le président français, M. François Hollande, pour vouloir l'ignorer.

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1) Galbraith J., « Greece, Europe, and the United States », Harper's Magazine, 16 juillet 2015

2) Barro J., « The I.M.F. Is Telling Europe the Euro Doesn't Work », The New York Times, 14 juillet 2015

3) Comme le constate D. Tusk. Voir P. Spiegel « Donald Tusk interview: the annotated transcript », Financial Times, 16 juillet 2015

4) Le Point, « DSK fait encore la leçon », 18 juillet 2015

5) Interview d'Otmar Issing dans Corriere della Sera, 16 juillet 2015,

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