Un des prisonniers célèbres du camp Dachau, Robert Antelme s'efforce de trouver les mots de la déportation. Il le fait pour nous. Mais surtout pour lui. Son œuvre littéraire, un grand classique dans le genre, le roman « l'Espèce humaine » est une œuvre fondamentale. Par exemple, Antelme décrit les détenus formant une masse non-différenciée, à laquelle on fait faire un exercice physique sans la moindre raison. Il ne s'agit pas d'un châtiment, il n'y a aucune explication. Seule chose que veulent les gardiens SS, c'est briser toute logique. Mais, si les camps décrètent la fin des corps, la faiblesse des prisonniers, ils affirment paradoxalement aussi la solidité de l'espèce — la puissance des bourreaux.
« Il faut peut-être là faire une distinction entre le camp lui-même, qui était un lieu de détention et des kommandos, — nous explique François Delpla, historien spécialisé dans l'histoire de la seconde guerre mondiale, — Le mot « kommando » dans l'univers concentrationnaire signifiait une succursale du camp, un lieu de travail, les gens des kommandos sont des déportés de Dachau. Ce n'est pas possible de dire qu'au niveau du travail c'était totalement improductif. »
Mais on est loin d'évoquer la « productivité » pour les gens auxquels le camp c'était présenter toutes les possibilités de perdre la vie. En souffrant. En devenant un cobaye pour les expériences médicales, et ça a été « la carte de visite » de Dachau. En se laissant tout simplement aller. Il y'a eu plusieurs types de personnes qui étaient incarcérées dans le camp: il y a eu des Tsiganes, le clergé aussi y est passé… une de particularité de Dachau était également le regroupement dans les baraquements d'un nombre d'intellectuels.
Ensuite il y aura l'ouverture de Buchenwald et d'autres camps pour d'autres régions de l'Allemagne. Là, au début, on regroupe surtout des socialistes et des communistes. Il ne s'agit pas vraiment de tuer des gens qui se sont opposés à la montée du Parti nazi… Bien sûr, les gardiens SS ont la gâchette facile: un prisonnier récalcitrant peut être abattu sur place. Le but n'est pas de les tuer (il ne faut pas oublier que les nazis sont racistes) mais n'oubliez pas l'idée de race supérieure: « les socialistes et les communalistes ont du bon sang dans les veines, mais on leur a mis des saloperies dans la tête » D'après l'idéologie officielle, les idées peuvent être enlevés et le sang aryen reste. Ainsi, pour eux, les allemands de gauche sont recyclables, réutilisables, il ne faut pas trop les tuer, il faut surtout les rééduquer. Ce qui fait qu'on rentre à Dachau, mais on en sort aussi.
Combien il était qui voulait peut-être comprendre, mais qui entre temps sont mort de faim, de froid et de maltraitances? On ne saura jamais. Parce qu'il est impossible de le distinguer d'un nombre dominant de ceux qui ne pouvaient tout simplement pas admettre que ce camp, ces expériences médicales, ces chambres a gaz ont été conçus pour leur plus grand bien.
Et qui ont payé de leur vie cette connaissance imposée.
Ils étaient 31 951 morts au total.
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