Pour la plupart des pays issus du bloc soviétique, seul le modèle occidental semblait pouvoir, à ce moment précis de l'histoire, incarner une solution « viable ». Ce modèle se matérialisait dans la démocratie, l'économie de marché avec sa fameuse « main invisible » qui arrange tout, la fin du grand ensemble autoritaire et la victoire d'une idéologie libérale qui envisageait le règne éternel d'un binôme parfaitement fonctionnel entre le marché tout puissant et l'individu roi, mais surtout consommateur, analyse d`Alexandre Latsa.
Durant la décennie suivante, la donne a changé: Moscou a récupéré son statut de pôle d'influence régional et l'on a assisté à la poursuite de l'extraordinaire développement du modèle chinois. Pendant cette décennie, la crise financière née aux Etats-Unis en 2008 et l'installation progressive de l'Union européenne dans la stagnation, le chômage chronique et la dette publique ont fait naître des doutes sur tout le système de gouvernance démocratique à économie libérale de l'Occident.
En remettant en cause ce modèle unique, le monde se dirige vraisemblablement vers un bouleversement des modèles actuels, que ce soit sur le plan territorial, financier ou politique. Le retour à une pluralité de modèles impliquera probablement la réaffirmation des régulateurs naturels que sont l'Etat et les frontières, avec un retour en force de l'autorité étatique comme modérateur essentiel et primordial du territoire.
Ce retour de l'Etat, des Etats, pourrait s'accompagner de la définition de zones d'influence autour des différents modèles qui pourraient émerger et constituer des ensembles géo-civilisationnels cohérents. Cette évolution vers un monde multipolaire est amorcée, on comprend déjà autour de quels Etats poids-lourds les choses pourraient s'organiser. Toutefois, une telle évolution remet en cause la conception de la construction européenne.
Un retour de l'Etat et des frontières pourrait donc structurer de nouveaux pôles d'influence autour de puissances comme la Chine, l'Inde, la Russie ou le Brésil, mais en même temps mettre l'Europe de Bruxelles et nombre de nations européennes, dont la France, sur le banc de touche de l'histoire.
La légitimité des autorités de Bruxelles est contestée par un nombre croissant d'Européens qui ne voient aucun modèle de société cohérent émerger après un demi-siècle de construction européenne. Bruxelles et l'Europe du nord semblent maintenant plus proches de Washington que d'Athènes. En outre, la construction européenne organise une prospérité en partie artificielle, basée sur l'endettement des Etats. Il est facile de vérifier que les pays européens les moins endettés sont les derniers à avoir rejoint l'UE.
Pour toutes ces raisons, les eurosceptiques sont de plus en plus nombreux dans une Europe qui cherche encore un modèle original d'organisation, alors que de nouveaux pôles de puissance sont en train de s'organiser sur la planète.
La situation est sans appel: la construction européenne ne pourra continuer que si l'Europe devient à nouveau un pôle de civilisation indépendant.
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