L'émetteur a été assemblé à partir d'un appareil à rayons X hors service installé jusque-là dans le cabinet d'un dentiste, et d'un amplificateur domestique acheté dans le magasin le plus proche. L'appareil remplissait sa tâche — bombarder de rayons X un gobelet en plastique retourné. Le gobelet servait de support à un échantillon à peine visible de hafnium, plus précisément de son isomère Hf-178-m2. L'expérience a duré plusieurs semaines. Après le traitement des données recueillies, le directeur du Centre de l'électronique quantique Carl Collins a annoncé qu'elle était un succès. A en juger par les enregistrements des appareils, son groupe avait trouvé un moyen de créer des bombes miniatures d'une puissance colossale — des dispositifs de la taille d'un poing capables de causer des dégâts comparables aux dizaines de tonnes d'un explosif classique.
En dépit du scepticisme de la communauté scientifique, les militaires américains ont littéralement perdu la tête avec les promesses de Collins. Et il y avait de quoi! Le rayonnement des isomères nucléaires ouvrait la route à la création de bombes foncièrement nouvelles qui étaient, d'une part, bien plus puissantes par rapport aux explosifs classiques et, d'autre part, ne tombaient pas sous les restrictions internationales concernant la production et l'usage de l'armement nucléaire. Une bombe isomérique n'est en effet pas nucléaire parce qu'elle ne demande pas de transformation d'un élément en un autre.
Les bombes isomériques auraient pu être très compactes (elles n'ont pas de limitation en termes de masse minimale parce que le processus de passage des noyaux de l'état excité à l'état normal ne nécessite pas de masse critique) et en explosant elles auraient libéré une énorme quantité de rayonnement dur, éliminant toute forme de vie. D'autant que les bombes de hafnium pouvaient être considérées comme relativement "propres" — l'état fondamental du hafnium 178 étant stable (il n'est pas radioactif), l'explosion n'aurait causé pratiquement aucune contamination des lieux.
Plusieurs tentatives ont été entreprises pendant plusieurs années pour reproduire les résultats de Collins. Mais aucun groupe de recherche n'a réussi à confirmer avec certitude l'accélération de la fission de l'état isomérique du hafnium. Les physiciens de plusieurs laboratoires américains se sont penché sur la question, de Los Alamos à Argonne et Livermore. Ils ont utilisé un émetteur de rayons X bien plus puissant, l'Advanced Photon Source du Laboratoire national d'Argonne, mais n'ont jamais découvert l'effet de fission induite, bien que l'intensité du rayonnement dans leurs expériences dépassait largement celle des expériences de Collins. Leurs résultats ont été confirmés par des experts indépendants d'un autre laboratoire national américain, celui de Brookhaven, qui a utilisé le puissant synchrotron National Synchrotron Light Source. Après plusieurs conclusions insatisfaisantes, les militaires ont perdu l'intérêt pour ce thème, le financement a été suspendu et le programme a été fermé en 2004.
En analysant ces moyens, Evgueni Tkalia a démontré qu'une réduction conséquente de la demi-vie de l'isomère sous l'effet du rayonnement radiologique allait complètement à l'encontre de toute la théorie reposant à la base de la physique nucléaire contemporaine. Même avec les réserves les plus favorables, les indices étaient largement inférieurs à ceux annoncés par Collins.
Le 178m2Hf aurait pu servir à fabriquer un excellent explosif — il fallait seulement trouver un moyen permettant d'accélérer significativement son passage à l'état normal, c'est-à-dire créer un dispositif qui jouerait le rôle de détonateur dans la bombe isomérique. Mais il est pour l'instant impossible d'accélérer l'émission de l'énergie colossale confinée dans l'isomère de hafnium. Du moins, avec les technologies existantes.
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