La Grèce et les remboursements
La Grèce doit, on le sait, de l'argent au FMI, à la BCE ainsi qu'aux différents fonds d'aides (MES et FESF). Les échéanciers des remboursements jusqu'au 19 juin sont les suivants:
Graphique 1
Echéanciers des remboursements
On constate qu'a part de petits remboursements à la BCE, l'essentiel, du moins jusqu'au 19 juin, sera les remboursements aux FMI (2,54 milliards d'euros). Or, le Fond Monétaire International s'est montré bien plus « souple » que la BCE ou de l'Eurogroupe qui supervise les paiements à faire pour le MES et le FESF. Il n'est donc pas exclu que l'on trouve un arrangement sur ces 2,54 milliards d'Euros. Mais, un tel arrangement ne saurait être que provisoire. Après le 19 juin, la Grèce devra rembourser, entre le principal et les intérêts, environ 7 milliards d'euros aux diverses institutions européennes entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet. Le gouvernement Grec a dit, à de nombreuses reprises, qu'il ne ferait pas ces paiements car ces derniers prélèverez sur le (petit) excédent fiscal primaire qu'il réalise et qu'il souhaite affecter tant à des mesures de soutien à la population qu'a des mesures de relance de l'activité économique. L'Eurogroupe, pour l'instant, refuse cette solution et refuse même de négocier sur la dette, et cherche à imposer des réformes qui, outre qu'elles sont inutiles (1), sont refusées par le gouvernement grec. Nous sommes donc dans une impasse. Il s'en déduit qu'un défaut de la Grèce peut survenir dans les semaines qui viennent, mais surviendra de toute manière entre la fin juin et le début du mois de juillet. Sauf si, d'un côté ou de l'autre, un changement de position survient.
Pour chercher à faire céder la Grèce, et imposer une politique dont les électeurs grecs clairement ne veulent pas comme ils l'ont montrés lors des élections du 25 janvier, l'Eurogroupe institue un rationnement dans l'offre de liquidité à l'économie grecque. La Banque Centrale Européenne a « déconseillé » aux banques grecques d'acheter des bons du trésor, elle a exclu de fait la Grèce du mécanisme d'aide d'urgence à la liquidité (ou ELA), et relève très lentement le plafond de ses offres de liquidités. Un auteur de la revue américaine Foreign Policy, qui ne peut être considérée comme d'extrême-gauche, va jusqu'à parler des « dirty tricks » soit des « sales magouilles » de la Commission de Bruxelles vis à vis de la Grèce (2). Cette situation, couplée avec les retraits des banques grecques et les sorties de capitaux qui ont atteint un niveau très élevé en mars dernier confronte le pays avec le risque que son économie, affaiblie par les mesures d'austérité mises en place par le « protectorat » européen, ne s'effondre rapidement. Les deux problèmes deviennent liés car si la Grèce fait défaut sur ses remboursements extérieurs, la BCE ne pourra plus légalement financer les banques grecques. Le défaut provoquera la crise de liquidité.
Le problème politique
Le gouvernement grec a construit sa stratégie sur le fait que l'Eurogroupe aurait bien plus à perdre que la Grèce à une crise. C'est entièrement exact.
Mais, là où le gouvernement grec erre, c'est qu'il pense que les décisions au niveau de l'Eurogroupe seront prises sur la base d'intérêts économiques. En fait, les gouvernements des pays de la zone Euro ont investi énormément dans la dimension politique et symbolique. L'Euro n'est pas seulement une monnaie; c'est un projet politique et symbolique, une arme de domination au profit de l'Allemagne. Et, ce projet ne peut s'accommoder d'un compromis avec la Grèce. Car, en cas de compromis, validant la stratégie de Tsipras et de Syriza, c'est toute la politique d'austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l'Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d'autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande).
1. En particulier la « réforme » du marché du travail. Voir le World Economic Outlook d'avril 2015, publié par le FMI, et le Chapitre 3, rédigé par Patrick Blagrave, Mai Dao, Davide, Furceri (responsable du groupe), Roberto Garcia-Saltos, Sinem Kilic Celik, Annika Schnücker, Juan Ypez Albornoz, and Fan Zhang, avec l'assistance technique de Rachel Szymanski, disponible à partir du 16 avril sur www.imf.org.
2. Legrain P., « Greece Needs to Start Playing Hardball With Germany », Foreign Policy, 10 avril 2014
3. Naulot J-C., « Le défi Tsipras », Libération, 14/04/2015