Quelle sera la contribution de la Russie au visage des sociétés humaines?

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Le travail d'intérêt général pourrait devenir le principal avantage compétitif de la Russie par rapport à l'Occident, estime Pavel Rodkine, membre du Club Zinoviev de Rossiya Segodnya
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La croissance de l'instabilité et du chaos dans le monde, les actions agressives de l'Occident envers la Russie, le spectre d'une nouvelle crise économique… Tout cela pousse Moscou à rétablir lentement et péniblement son statut de sujet historique (politique et économique), ce qui ne va pas sans régénération sociale — base de compétitivité dans le monde d'aujourd'hui. Car même à l'époque de la guerre froide, comme l'indiquait justement Alexandre Zinoviev, l'avantage principal de l'URSS ne résidait pas dans la force militaire mais dans l'organisation de la société.

Sur les ruines de la suprasociété

D'après Zinoviev, la construction d'un "communisme réel" est la contribution essentielle de la société soviétique au progrès social de l'humanité. Il ne faut cependant pas faire l'amalgame entre ce communisme réel, "soviétique" ou russe, et le communisme idéologique qui attire toujours des manipulations propagandistes, des escroqueries idéologiques et des falsifications de la part des partisans de la société soviétique ainsi que de ses opposants.

Le communisme réel avait beaucoup de défauts réels (Zinoviev était leur premier dénonciateur), tout comme l'Occident réel dans l'histoire réelle. Mais ces problèmes n'annulent pourtant pas les réalisations de la société soviétique, qui a longtemps prétendu au leadership mondial au cours de l'évolution sociale de l'humanité — et même dépassé l'Occident pendant une certaine période.

C'est l'affrontement des systèmes socialiste et capitaliste, mais aussi la compétition entre deux suprasociétés, qui a défini l'évolution de l'histoire du XXe siècle. Il semblait que le bilan de la guerre froide avait mis un point final à ce processus.

La société soviétique a été démoralisée et atomisée, la contre-révolution sociale a détruit la suprasociété. La Russie était, au sortir de la guerre froide, à la périphérie du monde occidental.

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L'envergure de cette catastrophe sociale a dépassé sa dimension géopolitique. L'histoire est passée sous le contrôle total de la suprasociété occidentale (un ensemble de niveau plus élevé que des États nationaux traditionnels), ce qui a permis à Fukuyama d'annoncer la "fin de l'histoire" en 1992.

La Russie se trouvait dans une impasse civilisationnelle. Comme l'indique Alexandre Zinoviev dans "La mort du communiste russe", "l'organisation sociale de la Russie postsoviétique est sciemment structurée pour qu'elle ne soit pas en mesure de se ressusciter comme un phénomène capable de concurrencer l'Occident pour la domination dans l'évolution de l'humanité, de gêner ce dernier dans sa lutte pour l'hégémonie mondiale".

Dans ces conditions, il était tout simplement impossible pour la Russie de soulever la question de leadership voire de concurrence élémentaire. Le printemps 2014 a changé la donne, offrant à la Russie une nouvelle chance historique de rétablir son propre projet social et civilisationnel.

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Le travail comme fondement du nouveau design social

Mais quel est l'avantage concurrentiel unique de la Russie par rapport à l'Occident global? Cet avantage principal, cette particularité (une offre unique, si l'on reprend les termes du marketing) pourrait résider dans le travail utile pour la société, sous condition de revoir le sens du travail dans le cadre d'une approche conceptuelle.

Ce travail d'intérêt général doit être considéré comme un travail dont la société a besoin et qui détermine en même temps ses valeurs fondamentales, ses mécanismes sociaux, ses comportements et ses priorités de développement. On peut aujourd'hui en distinguer deux types: "relatif" et "absolu".

Le type absolu comprend la médecine, l'éducation, la science, les services sociaux et la sécurité. Dans le cadre de l'État, ce dernier est accessible à toutes les classes de la société sans aucun sens social ou foncier. Ce travail utile absolu n'est pas lié au bénéfice privé ou au capital.

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Le type relatif considère la société comme un consommateur, dont l'utilité est définie par le pouvoir d'achat de chaque citoyen en particulier et de toute la société en général. Et bien qu'il apporte un certain bénéfice via la diffusion de produits et de services de consommation, il est néanmoins excédentaire et spéculatif, ne reste bénéfique que pour une toute petite partie du capital.

Le travail utile relatif est utilisé par des outils humanitaires et de communication visant à "contraindre" à la consommation. Par ailleurs, il se dissimule comme un besoin réel et fondamental de la société dans le cadre de la politique économique contemporaine. Mais il provoque en réalité la pauvreté, la déshumanisation et la disqualification, détruit le potentiel humain des deux côtés de la consommation.

Le système occidental de capitalisme libéral a, depuis longtemps, perdu l'équilibre raisonnable économique et social entre ces deux types de travail. Le capital s'approprie le travail et ce dernier perd de plus en plus son utilité sociale. Ce manque d'utilité et de sens est ressenti par de nombreux travailleurs dans plusieurs domaines de l'économie moderne. Même le succès et la valeur de ces derniers sur le marché du travail n'assouplissent guère leur pessimisme et leur déprime dans la sphère sociale.

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L'exclusion des métiers vitaux pour la société du travail utile est liée à la transmission de ce travail utile vers le domaine des entreprises privées, ce qui est l'une des exigences essentielles de l'économie néolibérale. Le travail utile pour la société et assuré par l'État est remplacé par le travail utile pour le capital qui (comme l'a indiqué dans un article le milliardaire Mikhaïl Prokhorov) n'a aucune obligation envers la société.

Ainsi un bâtisseur moderne crée des habitations qui sont inaccessibles pour la plupart des citoyens. Son travail n'est donc plus considéré comme social: il sert les classes supérieures et les citoyens aisés. On constate le même phénomène actuellement avec l'éducation et la médecine à cause de la monétisation de ces secteurs.

Le travail utile pour la société, plus stable que le travail de marché, le met en concurrence avec le capital privé en assurant l'indépendance de la société et de l'État par rapport à ce dernier. Ce travail utile crée des conditions d'unité sociale, garantit la convergence de la société grâce aux institutions complémentaires dans la cadre de la structure unie de l'État.

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Ce coup contre les domaines du travail utile pour la société est une stratégie consciente. Le travail utile absolu est un concurrent et un obstacle pour le capital, car contrairement au secteur du travail utile relatif il ne crée pas de valeur ajoutée (ni d'exploitation).

Le modèle du capitalisme moderne libéral menace la société russe de destruction voire de génocide social. Le cynisme et la délicatesse particuliers de la situation russe résident dans le fait que l'inutilité des juristes et des managers est évoquée par la même classe libérale qui disait à ses pères qu'ils n'avaient pas réussi à s'intégrer au marché.

Au XXIe siècle la nouvelle conception de travail pourrait devenir une idée russe fondamentale et attractive pour le monde entier, dont des présupposés et des éléments existaient encore à l'époque soviétique ou même impériale. Le travail utile pour la société doit intégrer les métiers qui servent actuellement le capital.

Aujourd'hui cela ressemble à une utopie. Mais cette compréhension de la réalité sociale est imposée par la suprasociété occidentale qui considère justement la Russie comme la menace principale pour son pouvoir.

Pavel Rodkine, expert en image de marque et en communication visuelle, candidat en critique d'art, membre du Club Zinoviev de Rossiya Segodnya.

 

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