Des HLM dans les campagnes françaises. Vers une nouvelle illusion égalitaire ?

CC BY-SA 2.0 / P.poschadel / HLM de Jardin Frémin, à Survilliers
HLM de Jardin Frémin, à Survilliers - Sputnik Afrique
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Manuel Valls a récemment déclaré la guerre aux ghettos ceux-ci nuisant au principe d’assimilation. Il s’agirait de « raviver leur lien avec la République ». Analyse de Françoise Compoint.

Мануэль Вальс, премьер-министр Франции - Sputnik Afrique
France/prisons: quartiers spécifiques pour des islamistes radicaux (Valls)
Suivant cette logique exotique, la France profonde, coupée de la majeure partie des services sociaux les plus basiques, devait avoir définitivement perdu ce qu'elle avait ancestralment de liens avec cette République et se sensibiliser jusqu'à la moelle des os. Mais le 93, Mantes-la-Jolie, Dervallières, etc. nous démontrent bien, à travers la nature des confrontations qui y règnent et les slogans exhibés par certaines catégories de leurs populations respectives, que le rejet de l'assimilation ne découle pas de la ghettoïsation — relative, purement géographique et qui n'a rien à voir avec, par exemple, l'apartheid idéologique dont les Juifs d'Allemagne ou de Pologne étaient victimes — mais bien que c'est le rejet d'une France hyper-tolérante, sélectivement laxiste et sujette à l'angélisme qui engendre la ghettoïsation avant tout morale des catégories en question.

Souvenez-vous d'un film assez utopique des années 90, « Le plus beau métier du monde » où Depardieu joue le rôle d'un professeur d'histoire muté dans un quartier chaud suite à son divorce. D'abord rejeté par la plupart de ses élèves — maghrebins à 99% — il parvient finalement, à des exceptions intraitables près, à gagner leur estime. Comment? En faisant constamment et méthodiquement l'éloge de l'Histoire de France, de l'héritage spirituel et idéel qu'elle nous a léguée et des principes immuables de la République. On le voit donner des cours particuliers aux plus motivés, si bien que même les récalcitrants finissent par participer. S'il est vrai que le film en question s'appuie sur des extrêmes typiques du cinéma idéologisé, d'où son utopisme, il est non moins vrai que l'idée dont il est couronné est très juste: sans fierté nationale vous ne serez jamais respectés de vos minorités. S'il existe un semblant de fierté républicaine (politique) visant à dire que nous avons l'une des meilleures démocraties au monde — une thèse sempiternellement entretenue grâce à des leçons données aux pays fonctionnant sur d'autres bases — la notion de fierté nationale (historique, culturelle, identitaire en somme) a quasiment perdu de son sens. Les élites dirigeantes se réfugient dans une démagogie inqualifiable dont l'effrayante absurdité a été brillamment mise en évidence par Vincent Tournier, maître de conférences à l'IEP de Grenoble. Voici un extrait de son raisonnement concernant le racisme anti-blanc, le déni du Français de souche et l'évaluation faite par le CSA de la « diversité » sur le petit écran: « Ce qui cristallise les tensions, c'est qu'il y a un double discours. D'un côté, comme le montre l'exemple des Français de souche [ils n'existeraient pas, NDLR]; mais de l'autre, on voit bien qu'une partie des élites est en réalité obnubilée par les questions de race puisqu'on ne cesse de dénoncer la sous-représentation de certaines minorités [dans les médias et parmi les élites, NDLR]. Or, on ne peut dénoncer une sous-représentation que si l'on est en mesure d'identifier une majorité et une minorité, ce qui implique qu'il existe une population de souche ».

Si je mentionne ici cette analogie pour illustrer les mesures adoptées par le gouvernement socialiste, c'est bien parce qu'elles ont un point commun: toutes deux consistent à débattre sur le sexe des anges. Le premier débat est théorique. Le deuxième consiste à repeindre en filles des anges dessinés en garçons croyant de facto qu'ils se transformeront immédiatement en filles dans leur réalité transcendante. Pareil pour la construction des banlieues dans les zones rurales réputées désertées ou semi-désertées dans le but de lutter contre l'apartheid, source de tous les maux. Si quelque chose va clairement changer — car la France profonde est moins dépeuplée qu'il n'y paraît — c'est la réaction des ruraux qui n'ont pas la tolérance de M. Valls ou d'autres socialistes comme M. Jospin ou Mme Royal très humanistes en leur temps. Normal! Il est facile de faire dans la tolérance quand on habite pour les uns dans le 6ème pour d'autres à Boulogne Billancourt. Par contre, il est légèrement plus difficile de correspondre aux idéaux prônés par l'équipe au pouvoir quand on est pauvre ou quand on habite un HLM. Comme si les tensions inter-communautaires au coeur des banlieues ne suffisaient pas, il s'agit maintenant d'obtenir des tensions tout à fait prévisibles dans les campagnes.

Si l'on revient un peu en arrière, on s'aperçoit que l'histoire a démarré avec l'ordre donné aux maires des communes de plus de 3500 habitants qui devraient engager la construction de 25% de logements sociaux. Près de 220 maires avaient déjà été sanctionnés pour leur refus d'obtempérer. Les maires devront dorénavant « déclarer à l'Etat tous les terrains constructibles disponibles se trouVant sur les 1200 communes répertoriées ». Ce nouveau dispositif n'est pas une invention, il est décrit sur le site du ministère de la Ville: « L'Etat préemptera les terrains et construira les logements sociaux dans les communes qui ne respectent pas la loi; création d'un plafond de 50% de logements sociaux pour endiguer la concentration de pauvreté ». On nous fait ainsi penser que l'objectif vise à lutter contre ces ghettos sociaux où sont parquées les catégories les plus pauvres. Or, le paragraphe qui précède la description de ce projet prouve bien que les socialistes sont infiniment loin des préoccupations de Zola. Ce paragraphe, le voici: « Cela fait deux mois, jour pour jour, que notre pays a été frappé violemment [référence à Charlie, NDLR]. Après la réponse immédiate régalienne, il fallait apporter des réponses sociales, éducatives, morales (…) ». Autrement dit, on nous explique avec le plus grand sérieux que l'islamisme radical s'éradique par la construction d'HLM dans les communes. On exclut l'exclusion (supposée) et tout ira bien!

Mike Borowski, créateur et rédacteur en chef du site « La Gauche M'a Tuer », nous a proposé une explication à cet étrange phénomène dont le bien-fondé rationnel est plus que problématique:

Radio Sputnik: « M. Valls entend lutter contre la ghettoïsation en faisant construire des HLM dans les campagnes. Croiraient-ils vraiment que le taux de criminalité dû à l'immigration de masse incontrôlable va providentiellement baisser si l'on diversifie les zones d'implantation des migrants allogènes?

Mike Borowski : Je pense que cette mesure n'a aucun rapport avec la sécurité ou l'insécurité. Je pense que la gauche à travers M. Valls nourrit une sorte de détestation de la France originelle, celles des clochers, qui doit se transformer en la nouvelle France des cités. Entre nous, personne ne croit qu'en mettant telle ou telle population, par exemple, dans le Larzac on baissera le taux de criminalité qui est propre, disons, à la Seine-Saint-Denis. Le taux restera le même pour le 93 mais la criminalité s'implantera en plus dans le Larzac! (…).

Les racines du projet mis en oeuvre dépassent les limites de son application locale.

Selon Mike Borowski, « les élites dirigeantes ne sont plus pour des Etats-nations mais pour des Etats-mondes. Jacques Attali théorise bien cette approche en parlant de gouvernement mondial. Pour ces élites, les nations n'ont plus aucune raison d'être. Toute personne peut venir s'installer où elle veut. Cette idéologie est dominante en France et [découle en grande partie de la pratique d' « autoculpabilisation » inculquée] ».

Dans son intervention sur Atlantico, Vincent Tournier évoque une réalité très lourde de conséquances qui s'appelle le « séparatisme territorial » dans le contexte d'une expatriation des cadres « dans les quartiers protégés par le coût de l'immobilier » et la majoritarisation des minorités dans les zones concernées. Mike Borowski renforce ce constat: « La Seine-Saint-Denis pourrait à terme, à l'instar du Kosovo, devenir indépendante, puisque la France n'y est plus représentée. [En ce qui concerne le Kosovo], au XVème siècle, progressivement, la population albanaise qui s'y installait a fini par demander son indépendance étant ethniquement majoritaire. Elle a donc pris le pouvoir ce qui est une issue prévisible et conforme à la nature humaine (…). L'insécurité dans le 93 est avant tout culturelle (…) »

Difficile de réfuter ce diagnostic plein de bon sens quoique désagréable à entendre. Qu'il y ait complot contre la France de Clovis et des clochers ou non, il est flagrant que les mesures sur les HLM dans les communes reflète, de un, le totalitarisme du système actuel qui fait mine de relever des défis gravissimes aux dépens des populations locales et contre la volonté de leurs représentants, les maires des communes sanctionnés, de deux, l'impuissance totale des dirigeants qui feignent combattre le terrorisme par des mesures géographiques. Manuel Valls, n'avait-il pas dit fin janvier aux lycéens qu'ils devaient « s'habituer à vivre avec le danger »? Ce projet montre une fois de plus à quel point la politique qui est menée n'est qu'un tissu d'illusions sur le point, à l'heure qu'il est, de craquer.

 

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