La montée en puissance spectaculaire d'un FN astucieusement dédiabolisé par MLP et le dépassement du clivage gauche/droite par, d'une part, la révolte généralisée, d'autre part, un je-m'en-foutisme exprimé par une abstention qui en dit long — voici, conceptuellement, le tableau de cette saison. Analyse de Françoise Compoint.
On en avait amplement parlé aux heures des européennes. L'analyse alors proposée a été corroborée par le temps et l'aggravation de la crise. Primo, le FN ose appeler les choses par leur nom en privilégiant la réalité à la fiction. C'est un parti qui fâche parfois les autruches. Secundo, malgré certaines contradictions de son programme économique, c'est un parti qui se fonde sur un colbertisme élargi, tant sur le plan d'un protectionnisme économique que culturel. Cette facette le rapproche génétiquement du gaullisme. Tertio, c'est un parti qui s'adresse avant tout à la classe populaire qui constitue 60% de la population. Il ne mélange pas assistanat et soutien des classes défavorisées. Notons aussi qu'il répond davantage aux attentes de la jeunesse, désenchantée par les querelles de clocher des « féodalités » et prête à goûter ce fruit interdit contre lequel leurs parents les mettaient en garde.
Il serait en ce sens erroné de croire que le vote FN est un vote d'opposition et non pas de conviction. Cette dernière idée, si elle vient, est immédiatement refoulée comme impossible parce que les Français ne pourraient pas penser ainsi. La gauche et une certaine fraction atlantiste de l'UMP aurait peut-être même plus de facilité à comprendre que de jeunes Français partent faire le djihad — une conséquence des guettoïsation/ communautarisme, nous expliquent-ils — que d'admettre qu'il puisse y avoir un mouvement de solidarité vis-à-vis des idées FN-istes ou des idées d'une partie de l'UMP en passe de devenir anti-atlantiste! On le voit bien à travers le raisonnement de la militante Clémentine Autain qui constate que le « PS mène une politique qui rompt chaque jour un peu plus avec les fondements de la gauche » et qui propose une vaste restructuration de la gauche — clairement irréaliste! — sans s'attarder un seul instant sur l'éventualité d'une refonte de la droite sarkozyste dont on attend qu'elle épouserait le paradigme républicaniste, comme si le salut se trouvait nécessairement à gauche.
Radio Sputnik. « Que pensez-vous des résultats des départementales? Vous ont-ils surpris?
Pascal Mas. Pas tellement parce que je suis en phase avec la population contrairement à une certaine caste médiatique et politicienne. Je ne suis donc pas tellement surpris, entre autres de la faible participation. Mais il y'a quand même quelque chose qui m'a interpellé: c'est le faible résultat de l'extrême gauche dont personne ne parle parce que visiblement le grand mouvement qui s'est produit dimanche et dimanche dernier, c'est un rejet de la politique de François Hollande et de son gouvernement! Mais il y a bien entendu une forte poussée du Front National en région en l'absence d'un contre-poids de l'extrême gauche du mouvement de Mélenchon ce qui fut pour moi une surprise le reste étant exactement conforme à ce que j'attendais.
Radio Sputnik. Certains experts estiment que le score réel de l'UMP est bien inférieur aux chiffres annoncés. Si l'on soustrait les scores réalisés par ses binômes, on dégringole à un million pour l'UMP seul contre plus de 4 millions de voix accordées au FN. Devrait-on en déduire que MLP sort (mathématiquement) gagnante de la course?
Radio Sputnik. L'abstention a dépassé la barre des 50%. Témoigne-t-elle d'une rupture grandissante entre le peuple et ses élites dirigeantes?
Pascal Mas. C'est indéniable. Seuls les gens qui sont réellement motivés, c'est-à-dire exaspérés ou qui attendent quelque chose, des clients, sont allés voter. Beaucoup de gens se sont réunis dans certains départements en se disant à peu près ceci: « De toute façon, que ce soit les uns ou les autres, ça ne change pas, alors pourquoi se déplacer? » En plus, cette réforme du système électoral n'a pas été expliquée du tout, il est donc évident que les gens ne se sont pas déplacés pour une élection à laquelle ils ne comprenaient rien.
Radio Sputnik. Selon une philosophe que vous connaissez peut-être et qui s'appelle Chantal Delsol, "le FN progresse parce qu'il ose dire que le roi est nu", parce qu'il combat l'"univers fictif" formé par une droite craintive et une gauche "nantie du monopole moral". Partagez-vous cet élément de réflexion?
Radio Sputnik. Déconfit, Valls envisage un remaniement. Une chance à ne pas louper ou un cautère sur une jambe de bois?
Pascal Mas. Du maquillage! On en a eu la preuve il y a quelques minutes avec une interview qu'a accordée Cécile Duflot à une grande chaîne de télévision d'information continue. Il s'agit simplement de sauver les meubles. Manuel Valls a été invité sur cette même chaîne hier, il a fait des déclarations très fumeuses. La seule chose qui l'intéresse, lui et M. Hollande, c'est d'éviter le désastre de décembre parce que le système de scrutin sera différent et le carnage inévitable. Nous venons de prendre l'apéritif, à décembre pour le plat de résistance! »
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