Parmi les républiques faisant partie autrefois de l'Union Soviétique, le Kazakhstan revêt sans aucun doute un intérêt particulier, dû à sa capacité de rassembler des éléments hétéroclites qui ne se trouvent pas facilement réunis dans le même contexte. Cette république d'Asie centrale, d'une extension d'environ 2 700 000 km carrés (comparable donc presque à l'Europe occidentale tout entière), a obtenu l'indépendance en 1991 dans des conditions certainement pas favorables. À cette époque-là, le Kazakhstan était le seul pays issu de l'URSS où la nationalité « titulaire » de la République, c'est-à-dire les Kazakhs, n'arrivait pas au 50% de la population totale. Pendant des siècles, son territoire avait été en fait non seulement un véritable carrefour dans les processus de migration des peuples, mais aussi le théâtre principal des déplacements forcés de l'époque stalinienne. Cet héritage faisait du Kazakhstan un territoire à forte présence russe, allemande, polonaise mais aussi coréenne ou des peuples d'origine caucasienne: un mélange ethnique et religieux qui pouvait sérieusement menacer la stabilité et les équilibres internes après l'indépendance.
À la différence d'autres pays postsoviétiques, qui ont cherché à bâtir leur parcours d'États indépendants sur un nationalisme très marqué et parfois hostile à la Russie, le Kazakhstan a su rapidement transformer sa faiblesse potentielle dans un avantage réel. Sous la direction du Président Nursultan Nazarbaïev, à la tête du pays dès l'indépendance, la plus vaste république d'Asie centrale a essayé de promouvoir la création d'une identité dite « kazakhstanaise » (et non pas seulement « kazakhe », c'est-à-dire liée à un peuple particulier) qui réunit toutes les nationalités présentes sur son territoire en exaltant les idées de tolérance, d'entrecroisement entre Orient et Occident comme atout idéologique et « carte de présentation » du pays. Un exemple concret de cette stratégie d'ouverture et de refus de chaque approche ethniciste — qui parfois a coûté à Nazarbaïev des critiques sévères de la part des groupes nationalistes kazakhs — est la sauvegarde de la langue russe, qui demeure officielle et fortement soutenue par l'État à côte de la langue nationale. Pour ce qui est du développement économique, l'exploitation de vastes ressources naturelles, combinée à un processus de libéralisation graduelle et d'ouverture aux investissements étrangers, ont par ailleurs permis au Kazakhstan un taux de croissance pas négligeable surtout dans les dix dernières années.
Ce qui est encore plus important, c'est la doctrine politique étrangère qualifiée de « multi-vectorielle »: en effet le Kazakhstan a des très bonnes relations avec des pays assez différents qui sont souvent en réciproque contraposition. Astana peut être avant tout considéré comme le plus solide allié de Moscou, a côté de la Biélorussie: toutefois, à la différence de cette dernière, le Kazakhstan a une réputation bien positive chez l'Union Européenne et les États-Unis. La géopolitique multi-vectorielle d'Astana consiste justement dans un choix de fond assez clair — l'alliance privilégiée avec la Fédération Russe — tempéré néanmoins par la tentative de dialoguer avec l'Occident.
C'est en ce contexte général qui apparaît très important le maintien des relations stratégiques entre Russie et Kazakhstan face à des compétiteurs ouverts et d'autres cachés. Notamment, en 2014 la Chine a déclaré une nouvelle stratégie géoéconomique, nommée « Route de la soie maritime du XXIème siècle » qui acquiert de plus en plus popularité: il s'agit d'un projet très ambitieux étant, selon la majorité des analystes, en concurrence avec l'intégration économique terrestre en Eurasie. Ayant pour base, en particulier, le port de Quanzhou (province de Fujian), la voie maritime relie les pays de l'Asie du Sud-est au golfe Persique et à la Mer rouge au nord-ouest, puis à l'Afrique de l'Est au Sud-ouest. Le but du projet consiste justement dans le renforcement de cette voie maritime qui, en devenant le réseau commercial numéro 1 de l'Orient vers l'Occident, dépasserait les initiatives de construction de corridors continentaux qui sont au chœur de la stratégie eurasiatique de la Russie et du Kazakhstan.
L'élection présidentielle au Kazakhstan, qui aurait dû se tenir en 2016, avec toute vraisemblance a été anticipé au 26 avril 2015 afin donner au pays une stabilité pour les prochaines cinq années compte tenu d'une conjoncture délicate. Et ce n'est pas un hasard si Vladimir Poutine a tout de suite ouvertement soutenu la candidature de Noursoultan Nazarbaïev. Pour la Russie, qui doit faire face au refroidissement des relations avec l'Europe à cause de la crise ukrainienne et en même temps entretenir des rapports avec la Chine basculant toujours entre coopération et compétition, l'alliance avec le Kazakhstan est un enjeu de premier plan dans la géopolitique d'intégration continentale.