Crise et stabilisation
On se souvient de la crise spéculative de décembre 2014, qui s'était traduite par des mouvements importants et erratiques du taux de change du rouble entre le 12 décembre et le 26 décembre. Ces mouvements ont très largement ébranlés la confiance des russes non en leur monnaie mais dans les banques. Ils ont aussi imposés des mesures restrictives à la Banque Centrale de Russie qui, faute de mettre en place un contrôle des capitaux, a tenté de circonvenir la spéculation en montant de manière très spectaculaires son taux d'intérêt. Ce dernier est ainsi passé de 11% à 17%. Le 26 décembre le taux de change était revenu à son point de départ. Mais, du fait de la perte de confiance des russes dans leur banque, les pressions baissières ont continué à se manifester sur le rouble (graphique 1).
Graphique 1
Ce dernier s'est déprécié, mais de manière plus lente jusqu'au début du mois de février. Puis, il a commencé à lentement s'apprécier. Actuellement, il semble revenu durablement vers 60 roubles pour 1 dollar et les pressions haussières vont continuer de la pousser sans doute jusqu'à 52-55 roubles. Ceci, alors que la Banque Centrale a commencé à réduire son taux d'intérêt, passé de 17% à 15% puis à 14%. C'est la preuve que la confiance revient lentement. Les dépôts dans les banques se sont remis à augmenter (+3%) dans le mois de février. Par ailleurs, la baisse des paiements dus à l'étrangers par les entreprises et les banques russes dans le cours de 2015 par comparaison à ce qu'elles ont dû rembourser dans le 2ème semestre 2014 est un autre facteur d'appréciation du rouble.
L'économie réelle digère le choc
Les raisons de cette résistance au choc de change sont multiples. Tout d'abord, l'industrie russe a amélioré grandement sa compétitivité du fait de la dépréciation du rouble. Elle maintient un bon niveau d'activité.
Graphique 2
Ensuite, les mesures dites « anti-crise » prises par le gouvernement commencent à porter leurs fruits. Certes, le processus est lent, et inégal suivant les secteurs. Un retard inquiétant semble avoir été pris dans l'industrie agroalimentaire et dans l'agriculture. Mais, dans l'ensemble, ces mesures ont un effet positif. Enfin, la décision de la BCR de baisser le taux d'intérêts rapidement, et sans attendre de baisse significative de l'inflation (qui devrait plafonner en mars autour de 16,5% par rapport à mars 2014) est un signal fort que les autorités sont bien décidées à tout faire pour que le niveau de production reste élevé.
Une économie qui s'adapte
L'économie russe effectue un virage à 180° qui va la conduire à développer de plus en plus ses liens avec les pays d'Asie et les pays émergents. Le seul effet des sanctions aura été de précipiter un mouvement qui était prévisible sur les 10 prochaines années. Mais, l'impact de ce mouvement sur certaines économies européennes se révèle d'ores et déjà important. Les pertes de marché de l'industrie allemande, française ou italienne au profit des industriels d'Asie seront très difficiles à inverser. De fait, la Russie peut même aujourd'hui se permettre d'envisager de lever certaines des contre-sanctions qui avaient été prises en rétorsion et qui ont durement frappé l'économie de pays comme la Grèce ou la Hongrie.
Il apparaît ainsi que si certaines personnes espéraient que les sanctions allaient provoquer une crise sociale d'ampleur en Russie qui aurait pu déstabiliser Vladimir Poutine, ce calcul ne tenait nullement compte de la résilience importante des structures économique en Russie. L'échec de ce calcul conduit dès lors les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne au dilemme suivant: faut-il maintenir, voire renforcer, les sanctions, dont on voit qu'elles ont eu très peu d'effet ou faut-il admettre que la politique des sanctions a été une profonde erreur. Ce dilemme devrait devenir de plus en plus important dans les mois qui viennent.
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