La Hongrie pense qu'il ne faut pas se presser d'élargir les sanctions, parce que l'accomplissement des accords de Minsk ne pourra être évalué que d'ici la fin de l'année. Budapest fait partie des pays affichant une attitude prudente envers les sanctions. Selon les estimations des experts hongrois, les sanctions ont déjà fait perdre à la Hongrie 80 millions d'euros en un an. Je pense que le pays ne pourra pas voter contre parce qu'il ne veut pas s'opposer au principe de solidarité européenne ou l'affaiblir. Mais la Hongrie pourrait justifier à Bruxelles son soutien aux pays qui estiment que la politique de sanctions est une impasse. Je pense qu'actuellement les sanctions resteront comme telles, parce que le groupe pro-atlantiste cherche à les durcir, tandis que les "modérés" ne partagent pas cette position et ne permettront pas de le faire. Le sort de ces mesures dépendra de la situation dans l'Est de l'Ukraine, mais on ne pourra réellement parler de changements qu'en fin d'année. Cependant, il est déjà évident que les sanctions ne sont ni dans l'intérêt de la Hongrie, ni de l'Europe.
Docteur Theodoros Tsakiris, analyste, directeur du département de l'énergie du think tank grec ELIAMEP, professeur à l'université de Nicosie.
Orietta Moscatelli, chef de la rédaction d'information diplomatique, chef de projet Nouvelle Europe à l'agence de presse AskaNews, Italie
L'Italie ne souhaite pas que l'UE adopte des sanctions supplémentaires et s'oppose à l'extension des mesures actuelles. Premièrement, l'Italie subit les problèmes économiques et commerciaux qui surviennent à cause des sanctions. Rome est en effet le deuxième partenaire commercial européen (derrière l'Allemagne) de la Russie. En 2013, le commerce avec Moscou avait rapporté 30 milliards d'euros à l'économie italienne, sachant qu'en 2014 entre août et décembre nos pertes directes s'élevaient à 1,3 milliard d'euros — sans compter les pertes indirectes suite à la baisse de l'activité touristique. En y ajoutant d'autres domaines importants de coopération — de l'énergie au secteur bancaire — c'est une raison suffisante pour les entreprises de s'opposer aux sanctions. Le gouvernement écoute les entreprises bien plus attentivement aujourd'hui, parce que le pays traverse une longue crise économique douloureuse et que l'industrie italienne est le principal espoir pour en sortir.
Je ne m'attends pas aujourd'hui à ce que Bruxelles adopte une décision foncièrement nouvelle, la question du prolongement des sanctions sera très probablement reportée jusqu'en juillet. L'Italie espère vraiment qu'il sera enfin possible, en juin, de lever les sanctions et de "redémarrer" les relations avec Moscou.
Javier Morales, professeur de relations internationales à l'Université européenne de Madrid, expert de la fondation Alternative
Nikolas Stelia, politologue grec
En ce qui concerne les sanctions, la Grèce reste entre deux feux. Historiquement, Athènes, Chypre et la Russie ont toujours entretenu des relations particulières et amicales. La Grèce fait également partie de l'Europe et de l'UE, et le nouveau gouvernement éprouve de sérieuses difficultés à cause de cette double position. Ces dernières semaines, les relations et la coopération étroite avec la Russie sont constamment à l'ordre du jour. Reste le problème de la dette autour duquel l'Europe, notamment l'Allemagne, ainsi que l'Amérique compliquent sciemment la situation. Alexis Tsipras est donc très limité dans ses mouvements parce que les négociations sur la question critique de la dette sont en cours, et c'est pourquoi le soutien de la Russie, et le renoncement aux sanctions, fait partie des plans du gouvernement mais connaît des difficultés. La nécessité de renoncer aux mesures antirusses est soutenue par Tsipras et par la majorité des Grecs, qui pensent qu'une guerre froide a été engagée contre la Russie, qu'elle est opprimée, et la Grèce ne peut pas soutenir un tel scénario. Mais du point de vue diplomatique et économique, Athènes est coincé.
Karl Hartleb, chef du département du commerce extérieur à la Chambre de commerce d'Autriche
Vladimir Batchichine, économiste, professeur à l'université paneuropéenne de Bratislava, Slovaquie
Bien que la Slovaquie soit membre de l'UE, elle cherche à mener une politique étrangère relativement indépendante. Le premier ministre n'hésite pas à aller contre les bureaucrates européens en déclarant que les sanctions réciproques décrétées par l'UE et la Russie sont insensées. Tout le monde n'est pas de son avis, la scène politique slovaque est divisée. Certains sont influencés par l'interprétation unilatérale des événements en Ukraine. Les médias se transforment en arme de propagande — c'est toujours le cas quand il y a des belligérants. Mais les politiciens ne doivent pas se baser sur des suppositions, mais sur des faits. Et la meilleure solution pour s'en sortir est diplomatique.