Une équipe internationale de chercheurs en neurosciences a réussi pour la première fois à "reprogrammer" le cerveau d'un rongeur endormi afin de former toute une chaîne de faux souvenirs et associations. L'application possible? Aider à combattre un ensemble de troubles mentaux et la toxicomanie, annonce l'article de la revue Nature Neuroscience.
Le phénomène de "retranscription" de la mémoire suscite aujourd'hui un grand intérêt parmi les toxicologues et les neurophysiologues. Les uns essaient d'adapter cette particularité de la mémoire humaine et animale à la guérison d'une dépendance psychologique aux drogues, les autres étudient les mécanismes de la formation et de la consolidation des souvenirs.
Aucune grand succès n'a encore été enregistré dans ces domaines, car une partie des techniques appliquées aux animaux n'ont aucun effet sur les toxicomanes. Pour cette raison, de nombreux neuroscientifiques croient que la retranscription "ponctuelle" ou l'implantation de mémoire n'est pas possible dans le cas du cerveau humain ou d'autres animaux.
Selon les auteurs de l'article, Karim Benchenane de la Sorbonne (France) et son collègue, ce n'est pas du tout le cas. D'après eux, le problème est que toutes les expériences similaires ont été réalisées sur des animaux éveillés, et pas endormis.
En fait, la mémoire des humains, des souris, des singes et d'autres mammifères se consolide et se renouvelle principalement pendant le sommeil. Quand nous nous endormons, le centre de la mémoire dans notre cerveau, appelé l'hippocampe, commence à traiter de manière cyclique les souvenirs et les impressions que nous avons vécus pendant la journée, en formant des souvenirs profonds.
Guidé par cette idée, le groupe de Benchenane a suivi l'activité de l'hippocampe des souris pendant le sommeil et a essayé de comprendre comment il était possible de retranscrire certains épisodes dans la mémoire, ou bien ajouter des souvenirs inexistants dans ce cycle.
Ces efforts ont abouti à un algorithme informatique spécial qui a permis aux chercheurs de lier les souvenirs des endroits fréquentés par le rongeur, qu'il se rappelait dans son sommeil, avec des sensations concrètes — la douleur, le plaisir, la peur, etc. Les chercheurs savaient, bien évidemment, de quel endroit il s'agissait, car ils avaient surveillé l'activité du "centre de navigation" dans le cerveau du rongeur pendant l'éveil.
Grâce à ce programme, Benchenane et ses collègues ont implanté dans le cerveau des souris les souvenirs d'un plaisir qu'ils avaient prétendument ressenti dans un coin particulier de la cage dans laquelle ils vivaient. L'expérience a démontré que cette opération n'était complètement réussie que dans les cas où les chercheurs retranscrivaient la mémoire des souris endormies, et pas éveillées.
Selon les neuroscientifiques, les rongeurs préféraient passer la plupart du temps dans la partie de la cage qui avait été "programmée" par les chercheurs pendant le sommeil. Après un certain temps, n'ayant pas reçu le plaisir "promis", les souris commençaient à éviter cet endroit et progressivement oubliaient la fausse association.
D'après les auteurs de l'article, le succès de cette expérience ouvre la voie à des expériences de manipulations ponctuelles de la mémoire également parmi les humains. En tenant compte de l'expérience négative de leurs collègues, Benchenane et ses collègues, pour l'instant, ne sont pas sûrs qu'une méthode semblable puisse être efficace avec l'être humain, compte tenu des difficultés supplémentaires, comme la transplantation des électrodes et l'éthique.