Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, quant à lui, prévoit que la recherche d'une solution politique pour le sud-est de l'Ukraine prendra des décennies mais estime que l'Occident n'est pas obligé d'être en conflit avec la Russie pendant tout ce temps. La position de l'Europe concernant la pression sur Moscou diverge donc de plus en plus de celle des USA.
L'Union européenne n'adoptera de nouvelles sanctions contre Moscou que si les accords de Minsk étaient sérieusement enfreints, a averti la chancelière allemande Angela Merkel à l'issue de son entretien avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Berlin laisse ainsi entendre que la guerre dans le sud-est de l'Ukraine doit déjà être considérée comme un long conflit parmi d'autres, et que la meilleure des solutions consiste à le geler et adopter des approches les plus constructives possibles au fur et à mesure de l'avancement du processus de paix.
Federica Mogherini s'est également prononcée contre les sanctions antirusses: "Nous devons cesser de penser que la pression économique est une mesure légère, parce qu'elle peut être très dure. Il faut également arrêter de croire que la pression militaire est une mesure dure, parce qu'elle peut être inefficace voire contreproductive".
Dans ce contexte les Américains, dont le principal outil n'est pas la diplomatie mais les sanctions, défendent leur position en profitant de la mince nuance entre la trêve "respectée" et "non respectée". La sous-secrétaire d'État américaine Victoria Nuland a ainsi déclaré mercredi que le cessez-le-feu avait été enfreint plus de 100 fois.
Selon les observateurs, les positions des USA et de l'UE divergent vis-à-vis des sanctions pour des raisons commerciales et économiques. La porte-parole du département d'État Marie Harf a ainsi critiqué le président chypriote Nikos Anastasiades pour sa récente visite à Moscou et à Saint-Pétersbourg visant à développer les relations d'affaires. Harf a utilisé le même argument de Nuland: les USA et l'UE doivent mener une ligne commune pour faire pression sur la Russie, la désynchronisation est inadmissible. La réaction de Chypre a été très dure: on n'entend pas de telles préoccupations concernant la politique agressive de la Turquie dans la péninsule de Chypre.
Selon l'agence fédérale allemande des statistiques, les échanges commerciaux entre la Russie et l'Allemagne en 2014 se sont réduits de 11,7% pour atteindre 67,7 milliards d'euros. On ne peut pas en dire autant des USA. Le département d'Etat a annoncé: "Ce n'est pas le moment de faire des affaires avec la Russie". "Mais alors comment expliquer l'augmentation des échanges entre la Russie et les USA de 7% en 2014? Ils font pression sur l'UE mais gagnent de l'argent pendant ce temps", écrit sur Twitter le président de la commission des affaires étrangères à la Douma Alexeï Pouchkov. Et de poursuivre: "Pourquoi McDonald's et Coca-Cola ne soutiennent pas les sanctions d'Obama et ne nous débarrassent pas de leurs produits? Ils seraient fidèles aux principes, et nous — en meilleur santé".