Le fait est que tous les médias occidentaux n'ont pas eu "l'audace" de publier la récente une de l'hebdomadaire montrant une caricature du prophète Mahomet. Selon lui, elle est un "symbole de la liberté d'expression, de la liberté de religion, de la démocratie et de la laïcité", a-t-il affirmé dans une interview accordée à la radio américaine NBC News.
Il faut dire que la plupart des médias américains n'ont pas publié la caricature controversée, y compris le célèbre quotidien The New York Times, immédiatement accusé de "lâcheté" par les partisans de la liberté d'expression absolue. Seules quelques revues allemandes ont publié la caricature du prophète. Rappelons que Charlie Hebdo a diffusé une nouvelle représentation du prophète quelques jours après l'attaque terroriste contre la rédaction de l'hebdomadaire, tuant plusieurs de ses employés et des policiers qui assuraient leur sécurité. Toutefois, Biard n'a critiqué que les médias occidentaux car, selon lui, les journalistes de tous les autres États sont apeurés et risquent leur vie ou la prison pour une telle liberté d'expression.
Le nouveau rédacteur en chef est, certes, libre d'avoir sa propre interprétation de la liberté d'expression en dehors du monde occidental. Mais ces déclarations mettent en évidence l'incompréhension des outils fondamentaux de la démocratie et de sa signification fonctionnelle.
Nous vivons dans un monde aux valeurs nombreuses et diverses. Un homme est un être social et existe parmi ses semblables selon des règles élaborées par les efforts communs de tous les acteurs de la communauté. Cela n'a rien d'une nouveauté puisque l'homme est le résultat de l'évolution et ne se distingue pas substantiellement du monde environnant. Vu sous cet angle, il ne doit pas y avoir de liberté individuelle absolue en principe, car elle restreindra inévitablement les droits individuels d'autres acteurs de la communauté. D'où l'existence de lois et d'autres règles régissant les relations des membres de la société entre eux.
Le quotidien berlinois Tagesspiegel affirme que le droit à la liberté d'expression doit être absolu et qu'il faut avoir la possibilité de tout critiquer, de tout remettre en question. Mais cette revendication concerne tout aussi bien les caricatures et d'autres types de satire. D'autre part, il n'existe aucune obligation pour les médias de publier des communiqués qui enfreignent les droits d'autres groupes sociaux, que ce soient les minorités religieuses ou sexuelles, les croyants, les femmes ou encore les handicapés.
Bien évidemment, ces affirmations comportent des contradictions malgré une certaine logique. Et en principe, elles peuvent différer d'une société à l'autre. En d'autres termes, ce qui est acceptable dans la société euro-occidentale ne l'est pas forcément dans la société asiatique ou africaine. Il n'existe aucune universalité d'existence sociale. Chaque société évolue selon ses propres lois, qui ne coïncident pas. C'est visiblement ce qui différencie les approches de Moscou, d'un côté, et de Washington et d'autres élites politiques occidentales de l'autre, sur la notion de démocratie et de son universalité.