Pourquoi le prix du pétrole baisse-t-il ?

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Les cours de l’or noir ont fortement baissé sur les bourses mondiales ces dernières semaines. Le Brent a ainsi perdu 22%, atteignant le 12 octobre un seuil en-dessous de 88 dollars par baril pour la première fois en 4 ans.

Bénéficiant de la levée partielle des sanctions de la part de l’Union européenne, l’Iran a également contribué à la baisse du cours de pétrole. A la suite de l’Arabie saoudite, ce pays a baissé son prix à l’exportation vers les pays d’Asie. Le politologue-orientaliste Vladimir Sajine explique à quoi est liée cette chute des cours. Serait-ce la volonté des producteurs de pétrole ? Ou de facteurs économiques objectifs ?

« Au cours de ces dernières semaines, les prix du pétrole ont chuté si brusquement que cela a provoqué toute une vague de discussions, d’analyses, de suppositions et de prévisions. Différentes raisons de ce phénomène ont été invoquées – objectives et indépendantes (volonté des producteurs ou des acheteurs), ou subjectives, allant jusqu’à l’hypothèse d’un complot mondial », explique Vladimir Sajine.

Les économistes associent à la première catégorie la surproduction de pétrole sur le marché mondial. Cette situation s’explique par une offre supérieure à la demande, elle-même provoquée d’abord par l’augmentation des volumes de production de pétrole, et ensuite par le ralentissement économique mondial.

Ainsi, grâce à la révolution de schiste, la production du pétrole aux Etats-Unis a augmenté de 47% - de 5,7 millions de barils à 8,4 millions de barils par jour.

L'OPEP a également commencé à produire plus de pétrole, en dépassant les quotas d’un million de barils par jour que l’organisation s’était fixée. En outre, les pays producteurs du pétrole comme l’Iran, la Libye et l’Irak, commencent à revenir sur le marché pétrolier mondial.

Dans le même temps, on assiste à une baisse de la demande d’or noir dans le monde. Ainsi la Chine, dont la croissance économique commence à ralentir, nécessite déjà moins d’énergie. Et Pékin continue cependant à augmenter ses réserves stratégiques.

La situation est également loin d’être brillante dans l’économie mondiale, à en croire les pronostics du Fonds monétaire international. L’agence d’information sur l’énergie américaine (EIA) a réduit ses prévisions de croissance pour la demande de pétrole dans le monde de 100.000 barils par jour à 1,24 million de barils, ce qui a naturellement conduit à la baisse des prix du pétrole.

Dans ces conditions, l'Arabie saoudite est en train de changer de toute urgence son vecteur de politique pétrolière, en commençant à se battre pour sa part sur le marché dans des conditions de prix de plus en plus bas. En effectuant ouvertement le dumping des prix, Riyad a déjà baissé les prix à deux reprises pour les consommateurs asiatiques. Les saoudiens ont l’intention de combler ces pertes en augmentant les volumes du pétrole livré dans ces pays. C’est justement cet accord sur l’achat des volumes importants de pétrole qui est la condition préalable à la réduction accordée sur le pétrole saoudien.

En même temps, l’Iran, revenu sur le marché pétrolier mondial après de longues années de sanctions, malgré des coûts financiers exorbitants, a également commencé sa chasse aux clients, en baissant les prix sur son pétrole de 85 cents pour le baril jusqu’à 96 dollars. Et même si Téhéran n’est pas intéressé à vendre l’or noir pour un prix inférieur à 100 dollars le baril, il est obligé de faire des compromis sur les prix pour ne pas perdre ses clients.

L’Iran et l’Arabie saoudite ont été rejoints par l’Irak dans cette tendance.

La baisse des prix du pétrole dans le monde est accompagnée par des spéculations sur une éventuelle menace de la « guerre des prix » au sein de l’OPEP. Cette organisation fournit 40% de pétrole dans le monde. Le marché est en baisse, et les fournisseurs de pétrole commencent à entrer en concurrence rude pour s’arracher des parts dans les ventes mondiales. Cependant le ministre iranien du Pétrole Bijan NamdarZanganeh a déclaré que les « actions des différents pays pour réduire le prix du pétrole ne peuvent pas être considérées comme une guerre pour faire baisser les prix mondiaux ».

Cependant certains politologues voient dans la baisse des prix du pétrole une volonté d’utiliser l’or noir comme une arme dans la lutte politique et économique.

Selon certaines suppositions, les actions de l’Arabie saoudite sont destinées à contrer la révolution de schiste américaine, qui agace beaucoup les monarques pétroliers du Moyen-Orient. Les gisements de pétrole de schiste américains sont rentables si le prix du pétrole n’est pas inférieur à 80-85 dollars.

Selon une autre version, Washington aurait convaincu les Saoudiens d’augmenter la production pour faire baisser les prix du pétrole et punir ainsi la Russie à la suite de l’adhésion de la Crimée et la crise au Sud-est de l'Ukraine. Mais dans ce cas de figure, les Etats-Unis nuiraient à leur propre économie, ce qui prouve que cette version n’est pas vraisemblable.

La situation actuelle sur le marché pétrolier a semé la panique. Les experts n'hésitent pas à admettre qu’ils ne peuvent plus donner de pronostic précis sur des prix du pétrole. Alors que les uns parlent de 100 dollars par baril, d’autres prédisent une chute jusqu’à 60 dollars.

Malgré la panique, le FMI a cependant donné ses prévisions sur les prix du pétrole d’ici un an. Selon ces prévisions, le cours du Brent chutera en-dessous de 60 dollars avec une probabilité de 0,6%. Toutefois la probabilité que le pétrole coute 60-70 dollars est de 2,3%, 70-80 dollars – 7,2%, 80-90 dollars – 22,9%, 90-100 dollars – 50,8% et plus de 110 dollars – 23,3%.

La situation est aggravée par le fait que tous les acteurs du marché pétrolier n’ont pas les mêmes positions initiales. Leurs budgets sont définis sur la base des indices de prix de pétrole différents. Si pour l’Arabie saoudite le prix critique du pétrole est de 89 dollars par baril, en Russie ce prix est de 96 dollars, et en Iran – plus de 100 dollars par baril.

La lutte sur le marché pétrolier – qu’elle soit économique, ou politique - promet donc d’être acharnée. Les pays vont continuer à se battre pour chaque pourcent, et pour chaque client. /N

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