L'Union économique eurasiatique (UEE) entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Les hommes politiques américains se sont exprimés à plusieurs reprises - et négativement - à ce sujet. Au second semestre 2014 Washington devrait redoubler d'efforts pour empêcher l'intégration eurasiatique. L'Arménie sera certainement sa prochaine cible après l'Ukraine.
Erevan devrait prochainement adhérer à l'accord sur la création de l'Union économique eurasiatique. Il serait donc possible pour celui qui s'y oppose de saboter l'UEE de l'intérieur en organisant un coup d'État dans l'un de ses pays membres.
Ensuite, l'Arménie est sur la route qui mène aux régions pétrolifères de la mer Caspienne.
Enfin, une base militaire russe se situe sur le territoire arménien: il est donc possible d'organiser des provocations contre les militaires russes pour les impliquer indirectement dans un conflit militaire.
L'opposition
L'activité des ambassadeurs américain John Heffern et polonais Zdzislaw Raczynski confirme que l'Arménie pourrait être la prochaine sur la liste de Washington après l'Ukraine. Ils sont en consultations avec les leaders de l'opposition arménienne, Levon Ter-Petrossian (Congrès national arménien) et Raffi Ovannissian (Héritage), qui participent activement aux activités antirusses.
Ter-Petrossian appelle désormais à changer de gouvernement "rapidement" et à transformer le référendum constitutionnel en "rassemblement national de défiance envers le gouvernement".
Dans l'ensemble, la rhétorique antirusse de l'opposition, qui contrôle près d'un tiers des sièges du parlement, est extrêmement primitive. Par exemple, les arguments suivants sont encore cités pour "prouver" l'implication de la Russie dans la politique du génocide arménien:
- Le ministre russe des Affaires étrangères Alexeï Lobanov-Rostovski aurait déclaré à la fin du XIXe siècle: "Nous avons besoin d'une Arménie sans Arméniens";
- Le gouverneur du Caucase au début du XXe siècle Grigori Golitsine a dit: "Je ferai en sorte que le seul Arménien resté à Tiflis soit un Arménien empaillé au musée de la ville".
Mais le fait est qu'aucune de ces phrases n'a été confirmée par des sources historiques. Néanmoins, dans le contexte de vide idéologique général, ces phrases imaginées de deux dirigeants russes ont servi de fondement pour une puissante campagne russophobe.
Le gouvernement
Comme l'a démontré l'Euromaïdan, plus le travail idéologique du gouvernement est faible et plus la corruption est importante, plus il est facile d'organiser un coup d'État.
Le parti républicain arménien au pouvoir ressemble aujourd'hui plutôt à un club d'affaires. Son idéologie officielle est le « nationalisme arménien » de Garéguine Njdeh. Le concept ethno-religieux de cet homme d'État de la Première république (1918-1920) date d'un siècle. A l'ère des technologies médiatiques et de la mondialisation, le monde a tellement changé que ces thèses de cent ans sont devenues complètement archaïques.
De plus l'idéologie de Garéguine Njdeh, comme tout nationalisme, ne travaille pas pour l'unification mais la confrontation, notamment avec les Turcs. Un pays entouré de peuples turcs ne peut pas vivre en état de conflit permanent, alimenté par des idées de suprématie "aryenne".
Historiquement ce pays a toujours été au croisement des civilisations et des cultures: à l'époque antique – entre l'Empire romain et la Perse (Parthie); au Moyen Âge – entre Byzance et le califat arabe; aujourd'hui – entre le monde russe et islamique. Les Arméniens ont ainsi toujours trouvé un terrain d'entente même là où cela semblait impossible - et ont donc eu la réputation de population tolérante et accueillante. Le nationalisme prive au contraire la nation de tous ces avantages.
Enfin, Garéguine Njdeh a activement collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale considérant les Arméniens, de même que les Slaves, comme des sous-hommes. Pour les descendants de l'un des pays vainqueurs, il est donc offensant d'en faire un héros.
Le parti républicain arménien a manifestement besoin d'élaborer une nouvelle idéologie, différente du nationalisme du début du XXe siècle orienté sur le soutien de l'Occident.
Le besoin d'une nouvelle idéologie
Bien sûr, en parallèle avec l'intégration eurasiatique, la question de la recherche d'un nouveau fondement identitaire se pose pour l'Arménie. Et comme le gouvernement a décidé de changer la Constitution, c'est visiblement le moment pour y apporter certains changements qui pourraient prévenir le déroulement en Arménie du scénario ukrainien par l'Occident:
- Reconnaître le russe comme deuxième langue nationale;
- S'orienter sur la priorité de l'idée de cohésion entre toutes les nations vivant sur ce territoire dans la politique de l'État.
Sans oublier la formation d'une nouvelle idéologie réconciliatrice et non basée sur le nationalisme.
L'Arménie fait penser aujourd'hui à l'arche de Noé, échouée près du mont Ararat coincé entre deux puissants tourbillons géopolitiques. D'une part, la vague d'intégration européenne arrive via la Géorgie et l'Ukraine. De l'autre, une tempête du radicalisme islamique belliqueux approche de la Syrie et de l'Irak. A l'intérieur l'opposition fait chavirer l'arche et l'entraîne au fond. Les intégrateurs européens de Moscou lui apportent leur "aide" (Echo de Moscou, Vedomosti), qui appellent la Russie à ne pas coopérer avec des "pays économiquement en retard et politiquement non libre".
Par ailleurs, il convient de rappeler que c'est en unissant leurs efforts que la Russie et l'Arménie parvenaient à tenir le coup pendant les époques les plus difficiles.
Arriveront-elles à faire face une nouvelle fois aux défis à venir? C'est du cap choisi aujourd'hui par l'arche arménienne que cela dépendra.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction