En signant avec la Chine un important contrat gazier, la Russie prive l'Europe de leviers de pression politiques, estime Alexandre Loukine, vice-recteur de l'Académie diplomatique du Ministère russe des Affaires étrangères.
La Russie et la Chine ont signé mercredi un contrat de 30 ans pour la fourniture de gaz russe à Pékin par l'itinéraire oriental, pour un total de 400 milliards de dollars.
D'après Alexandre Loukine, la Russie avait déjà besoin de diversifier ses marchés d'écoulement avant la crise ukrainienne, pour ne pas dépendre exclusivement de l'Europe.
"Cette diversification est d'autant plus importante dans les circonstances actuelles, étant donné que l'Europe menace de réduire ses importations de gaz et sa dépendance envers la Russie à cause de la crise ukrainienne", a déclaré Alexandre Loukine à RIA Novosti.
Il souligne que le contrat chinois représente un tiers du gaz livré en Europe. "Mais l'Europe ne fermera pas le robinet complètement. Si elle réduisait progressivement ses importations, la Russie lui montrerait qu'elle a d'autres clients. Dans le cas présent, la Russie prive l'Europe d'un levier de pression politique. Et même plus: elle montre une alternative, qu'elle peut s'orienter davantage vers les marchés asiatiques", estime l'expert.
Mikhaïl Marguelov, chef de la commission des affaires étrangères au Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), cite plusieurs experts qui, suite à la visite du président russe Vladimir Poutine en Chine, évoquent une réorientation de la Russie au profit de l'Asie.
"Je pense qu'il s'agit plutôt d'une diversification de notre géoéconomie, visant les marchés de l'Extrême-Orient et de l'Asie-Pacifique dans l'ensemble. Cet objectif a été annoncé par les autorités russes bien avant les événements en Ukraine. Quant à la réduction significative de notre marché occidental, la question reste en suspens car après tout nos relations économiques avec l'UE sont bénéfiques pour les deux parties", a-t-il déclaré à RIA Novosti.
Les discussions sur une éventuelle réduction des importations d'hydrocarbures russes ont commencé après la détérioration de la situation en Ukraine et le rattachement de la Crimée à la Russie.
Selon Mikhaïl Marguelov, la visite de Poutine en Chine pourrait "modifier considérablement le format des relations internationales". "Bien que la Russie et la Chine ne comptent pas créer un bloc militaro-politique, certains pensent que cette visite est un grand pas vers un partenariat stratégique entre les deux pays", a-t-il déclaré.