Le gouvernement a les moyens de rétablir l’ordre en Ukraine

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La question est de savoir s'il est prêt à les utiliser, explique Philippe Migault, expert de l’Institut de relations internationales et stratégiques, dans un entretien accordé à La Voix de la Russie.

Philippe Migault est directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), notamment spécialiste des questions de la sécurité des pays de la CEI. Dans un entretien accordé à La Voix de la Russie, il fait part de sa vision de la situation en Ukraine.

La Voix de la Russie : Qu’est-ce qui se passe en Ukraine actuellement ?

Philippe Migault : Nous assistons à un affrontement entre deux groupes, pro- et antigouvernemental. Le président Ianoukovitch a reçu les membres de l’opposition pour négocier, mais les négociations ont échoué. Il y a avait eu des propositions d’ouverture de la part du gouvernement ukrainien, des amnisties ont été prononcées. Mais j’ai l’impression que les représentants de l’opposition ne contrôlent plus la foule sur le Maïdan. Cette foule est dans une logique du rapport des forces, ne désirant pas négocier avec le gouvernement, voulant précipiter sa chute. Le gouvernement est donc acculé à se soumettre ou se démettre.

LVdlR : Comment peut-on sortir de cette crise ?

P.M. : Quand on a mis le doigt dans l’engrenage de la violence, il est difficile d’en sortir. Le dernier bilan parle de 25 morts, et il y a des victimes des deux côtés. Le gouvernement est engagé dans une politique du bras de fer et il a décidé apparemment d’aller au bout. Il y a toujours une option de reprendre les discussions avec les responsables de l’opposition ukrainienne, mais ceux-ci, arriveront-ils à se faire respecter par les personnes qui sont sur le Maïdan ? Je n’en suis pas convaincu.

LVdlR : Ces affrontements, vont-ils perdurer ?

P.M. : Tout dépend des moyens que va mettre en œuvre le gouvernement. S’il décide de ramener l’ordre manu militari dans Kiev, il peut frapper un coup décisif, car il en a les moyens et les forces nécessaires. La question est de savoir s’il est prêt à utiliser ces moyens. Mais si le gouvernement n’engage pas ces moyens contre les manifestants, les troubles risquent de durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

LVdlR : Comment voyez-vous l’avenir de l’Ukraine ?

P.M. : Difficile de dire. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de nation ukrainienne. Il y a une Ukraine occidentale (par exemple, la région de Lvov), clairement nationaliste, violemment russophobe et très pro-européenne. Et cette Ukraine là n’a aucune chance de trouver un compromis avec la partie « russophile » d’Ukraine (orientale). Imaginer une partition du pays selon le scénario tchécoslovaque, c’est quelque chose qui me semble difficile à concevoir, tellement les intérêts des deux groupes sont mêlés.

Un autre scénario, c’est la partition dans la violence. Mais je pense que c’est un scénario que tout le monde (Washington, Moscou et Bruxelles) veut éviter.

LVdlR : Une Ukraine qui s’associe à l’UE et reste en même temps partenaire de la Russie, est-ce concevable ?

P.M. : Dans une certaine mesure. A condition que l’Union européenne ne considère pas qu’être partenaire de Moscou est quelque chose de rédhibitoire. Bruxelles a mis clairement Kiev devant un choix : Moscou, ou Bruxelles. L’Ukraine n’a pas d’autre choix que de choisir un camp.

LVdlR : Les pays de l’UE sont en train de se prononcer en faveur de sanctions envers l’Ukraine. Est-ce une bonne idée ?

P.M. : Je pense que ces sanctions ne concerneront à priori que quelques dizaines de personnes au sein des autorités ukrainiennes. Ces personnes ont tout à fait les moyens de contourner ces sanctions. Donc je ne suis pas du tout persuadé que cela soit dissuasif.

Il s’agirait à priori des refus de visas, des sanctions financières, de la saisie de biens à l’étranger. Ce n’est pas cela qui va dissuader les personnes visées.

LVdlR : A quoi servent alors ces sanctions ?

P.M. : Pour que l’Union européenne puisse agir, il faut que les pays membres parviennent à un consensus. Et ils auront beaucoup de mal à y arriver, il me semble.

Sinon, il faut faire quelque chose pour montrer que l’UE existe. Nous n’allons pas envoyer nos forces armées sur place, nous n’allons pas nous ingérer dans les affaires dans le pays, nous n’allons pas prendre des sanctions économiques vis-à-vis d’une population qui est déjà sinistrée. Ces sanctions, c’est le seul moyen mis à la disposition de l’Union européenne. T

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