En fait, tout intellectuel français se croit doué d’une connaissance supranaturelle de l’actualité russe, mais si vous le soumettez à la question, il ne crachera guère que quelques souvenirs confus des sixties où il aurait entendu quelque chose de l’insurrection en Hongrie ou en Tchécoslovaquie. Laissons dormir en paix le souvenir de nos bisaïeux bien qu’il soit de notoriété publique que l’insurrection de la Hongrie était fasciste et organisée à partir du Portugal par d’anciens SS qui avaient fait la Seconde Guerre Mondiale dans le camp hitlérien. Au même titre personne ne tiendra compte de nos commentaires si on arguait que la Tchécoslovaquie n’a jamais égalé un président Clemenceau qui, sous la Quatrième République, a massacré à la mitrailleuse les soldats de la Guerre 14-18 qui ne pouvaient même pas se sauver parce qu’invalides. Avec ça personne ne traite Clemenceau de criminel ni ne le bannit du Panthéon de la nation. L’idéologie est une bien vilaine chose et les histoires sur les cosaques mangeant les enfants tout crus dans les bistrots sont toujours là pour égayer les bonnes gens.
Ceci dit certains arguments sont tellement ignobles qu’il faut les étaler à grand jour pour décrasser le cerveau des individus se réclamant de l’élite intellectuelle. Quelle ne fut ma surprise lorsque je découvris un texte pondu par l’énarque Laulan ayant occupé des postes dans l’administration chiraquienne. Dans ses écrits intitulés « La Russie après les JO de Sotchi » il se livre à une analyse désobligeante des réalités russes. Ainsi donc il essaie de décortiquer en amont en en aval l’économie russe et faire lecture du succès poutinien pour en démontrer le mécanisme hermétique. Je me suis fait un plaisir d’étudier son article en détail et y ai découvert que, selon Yves-Marie Laulan, « l’Amérique non seulement ne s’est pas laissée rattraper ni écraser mais, bien au contraire, a relégué sa rivale au rang de nain géostratégique. Pour l’Amérique, la Russie ne compte plus. C’est une posture fort humiliante pour cette dernière, une nation qui prétendait naguère, ni plus ni moins, dominer le monde et imposer le communisme à toute la planète. L’affaire a fait long feu. » Je suis au grand regret d’informer M. Laulan que l’Amérique considère toujours la Russie comme sa principale rivale et ceci pour des causes bien précises que nul énarque ne devrait ignorer. Le potentiel militaire de la Russie comprend des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et des sous-marins nucléaires d’attaque de dernière génération dotés de missiles Boulava, capables de frapper à des distances supra-continentales une boîte d’allumettes. Ces sous-marins sont en passe d’être complétés par les nouveaux sous-marins diesel de type du sous-marin Varchavianka, depuis plusieurs décennies réputé comme étant l’un des meilleurs engins pour faire la guerre silencieuse entre deux eaux à faible profondeur. Cet engin appartient à la classe KILO. Les missiles Iskander complètent la gamme dissuasive conventionnelle russe. Pour que les énarques puissent remettre leur pendule à l’heure je dirais que les troupes de l’OTAN n’ont pas en leur possession de missile pouvant être déployé sur une plateforme à déplacement aléatoire et être lancé en moins d’une minute et demie pour voler à l’altitude d’un missile de croisière pour et ensuite s’ouvrir en une multitude d’ogives difficilement repérables sur des radars parce que dotés de propulseurs autonomes. Je préciserai également que l’élaboration du concept et la mise à exécution à l’échelle industrielle ont été effectuées après la fin de la période soviétique. Donc on ne peut plus nous seriner des histoires sur le patrimoine soviétique exploité par la Russie. Compte tenu du fait que depuis la nuit des temps, la Russie est en permanence attaquée par ses voisins occidentaux, elle a développé une telle gamme de produits militaires que je pourrais continuer de m’étaler sur plusieurs pages pour ne citer que des projets uniques n’ayant par leur équivalent dans la panoplie occidentale. Il serait peut-être intéressant de savoir pour Monsieur Laulan que les armes de défense russe comme les missiles terre-air de type Cube ou Topol-M (Peuplier en russe) sont supérieurs aux missiles américains Patriot et tellement craints par les Stars and Stripes qu’ils se sont saignés aux quatre veines pour que ces joujoux n’équipent pas les forces armées de l’Iran ou de la Syrie. Je finirai par la panoplie des Soukhoï, les redoutables intercepteurs russes qui de nouveau, selon les experts occidentaux, n’ont pas d’équivalent pour le rapport qualité-prix et même les métaux de leur coque avec un alliage de lithium-aluminium que les ingénieurs occidentaux ne maîtrisent tout bonnement pas.
Mais il y a aussi un autre volet de l’existence de la Russie évoqué par M.Laulan. Il s’agit du messianisme russe qui, de façon bizarre et hermétique, est très souvent associé à la consommation d’alcool par le Russe moyen. En défrichant le deuxième argument avant de travailler le premier, je ferai juste un petit commentaire. Selon les données françaises, dans l’Hexagone, l’homme normal consommerait jusqu’au trois quarts d’une bouteille de rouge par jour. Je vais peut-être vous surprendre, mais les Russes n’affectionnent pas la consommation de boissons alcoolisées dans la semaine. Ils en prennent pendant le week-end et ce n’est pas forcément de la vodka.
Si vous n’y croyez pas je vous dirais également que selon la carte de la consommation d’alcool du site Gawker, la France se range juste à côté de la Russie avec une consommation de l’ordre de 13,7 litres par personne, contre 15,7 litres en Russie pour une personne âgée de plus de 15 ans. En revanche, le taux d’alcoolisme d’adolescents en Russie est moins important par rapport à la Grande-Bretagne et d’autres pays occidentaux. En Allemagne, selon les études locales, un adolescent moyen se soûle 2 fois par mois. Comme vous voyez, non seulement les apparences sont trompeuses, mais les données dont vous disposez sont obsolètes.
Pour ce qui est du messianisme, je vous invite à vous rendre en Russie pour constater de votre propre chef l’essor de telles notions comme le patriotisme ou la profession de la religion chrétienne orthodoxe. Cette ambiance tranche crûment sur le fond des églises françaises démolies à coups de bulldozers. Pour appeler un chat un chat, je dirais qu’en leur for intérieur les Russes se considèrent comme investis d’une mission de sauvegarde de la civilisation chrétienne. J’espère que ce petit missel des notions primaires vous aidera à ne pas perdre le Nord dans la problématique russe. T
