Soutenus par les défenseurs des droits de l'homme, notamment, par les autorités européennes et le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme de l’ONU qui vient de critiquer la France pour un mauvais traitement à l’égard des Roms, ceux derniers lèvent la tète et accusent un tel ou tel maire de France de leurs discours antiroms. Le 9 septembre, par exemple, l’Union française des associations tziganes a annoncé des poursuites en justice contre le maire de Nice, Christian Estrosi, qui est inculpé de la « provocation à la haine raciale ».
Pour faire le point de la polémique actuelle autour des Roms en France, nous avons contacté le doyen du journalisme français Dimitri de Kochko.
Dimitri de Kochko : Il existe, incontestablement, un problème Rom en France. Les pouvoirs publics s’en occupent de manière différente selon les villes, selon les cités. D’abord il faut mettre au point une chose. C’est qu’on a tendance à tout mélanger quand on parle des Roms. Parce que le politiquement correct interdit le mot tziganes déjà. Je ne sais pas bien pourquoi. Parce qu’il y a souvent des tziganes qui s’appellent tziganes eux-mêmes. Donc on ne parle que de Roms. Du coup on mélange les Roms venus des Balkans notamment de Roumanie, de Bulgarie, quelques fois de l’ex-Yougoslavie et les populations de manouches, de diverses autres tribus tziganes qui sont traditionnelles en France et qui habitaient la France depuis très longtemps. Quelques fois même ce sont des populations qui sont bien intégrées et sédentarisées, ils ne sont plus nomades. En plus de ça on emploie aussi l’appellation gens du voyage, c’est aussi le langage technocratique pour rester dans le politiquement correct. A force de vouloir être trop politiquement correct, on confond des gens qui sont nomades qui peuvent être en France depuis des années et les Roms venus justement de Roumanie et de Bulgarie. L’essentiel du problème aujourd’hui c’est justement ces Roms venus de Roumanie et de Bulgarie qui viennent en très grand nombre, qui se loge n’importe comment. On dit, selon les opinions, selon les cas, qu’ils sont dans des situations épouvantables, qu’ils vivent dans des conditions absolument inhumaines ce qui est vrai parce qu’ils arrivent en très grand nombre et que, évidemment, la société a beaucoup de mal à pouvoir leur offrir des logements, des emplois, une intégration a supposé qu’ils le veuillent. Vous pouvez avoir vu dans le Nord de Paris dans la banlieue déjà des bidonvilles qui sont réapparus en France alors qu’ils avaient disparus pendant une vingtaine d’années. Depuis deux ou trois ans ils ont réapparu avec des populations Rom justement venus de Roumanie ou de Bulgarie. Il y a des villes où leur population était telle que ça a posé un vrai problème avec les habitants et qu’il y a eu des incidents. Les autorités locales se sont prononcées d’une manière quelquefois assez tranchée comme, par exemple, le maire de Nice Monsieur Estrosi qui s’est prononcé carrément contre une trop grosse population de Roms et qui les a assimilés à des délinquants. C’est une des discussions qui existe en France si on peut assimiler des Roms à des délinquants. Je peux vous parler de l’expérience personnelle. Je suis dans une ville de la Seine-Saint-Denis, c’est-à-dire le département difficile de la France. Il y a eu beaucoup de Roms qui se sont installés ici, la mairie a réagi en essayant d’abord de donner une aide au retour. On donnait 300 euros aux Roms roumains ou bulgares pour qu’ils rentrent chez eux. Evidemment, ils prenaient 300 euros et revenaient deux ou trois semaines plus tard. Cette mesure a été arrêtée, elle s’est avérée totalement inefficace et assez couteuse pour le budget. On a essayé d’installer des endroits de campement mais ces campements pour les gens du voyage sont des terrains qui sont fait pour des installations provisoires. Or, ces Roms s’installent quelques fois pour très longtemps. Dans ma ville il y a eu un énorme campement Rom qui s’est installé dans un endroit qui avait été prévu pour une construction d’autoroute. L’ennui c’est comme il y a aucune installation sanitaire, il n’y a pas d’égouts, il n’y a rien du tout, puis il y a énormément de déchets et de poubelles évidemment. Donc on a eu dans la ville un gros problème d’invasion de rats. Il y a eu incontestablement beaucoup de vols commis dans des magasins, il y a eu une tension dans la ville. Il y a eu aussi un trafic d’automobiles volés qui a été découvert. Et donc les gendarmes sont venus, ont assiégé le camp et ont expulsé beaucoup de Roms. Cela peut faire partie du mauvais traitement dont parle le Commissaire européen qui n’a peut-être pas les choses d’un bout à l’autre. Parce que dans l’ensemble on peut dire quand même que les Roms sont plutôt traités avec attention, voire même pas mal de compassion, notamment, parce qu’ils ont l’assistance médicale gratuite. Et l’afflux de Roms est d’autant plus important. Les chiffres varient, on parle de 20 à 40 mille Roms en France venus des Balkans.
LVdlR : Est-ce possible de régler ce problème au niveau international, avec l’aide de la Roumanie ou la Bulgarie, par exemple ?
Dimitri de Kochko : Bien sûr, je sais que les autorités françaises et les autorités de police essayent de résoudre le problème. Avec le changement de gouvernement en France il y a eu même un préfet qui a été nommé pour la question des Roms qui travaille en coordination avec la Roumanie et la Bulgarie. Il y a eu, en revanche, compte tenu d’une montée de nombre de cambriolage, des réactions de la population locale qui a commencé à organiser des milices d’autodéfense. La solution…Disons que la droite, Marine Le Pen qui est quand même en progression aujourd’hui préconise une politique de fermeté, notamment, de fermer les camps qui sont illégaux, de faire partir les gens qui sont dans une situation illégale. Du côté du gouvernement, on essaye de jouer la possibilité d’intégration, l’installation de possibilités d’études pour les enfants, l’apprentissage du français, voire l’installation dans les emplois. Mais compte tenu qu’on ait au-dessus de 10 % de chômeurs, j’ai un peu de mal à imaginer quel genre d’emploi des Roms qui sont peu qualifiés, qui ne parlent pas français, peuvent trouver. Ça ne me parait pas forcément une démarche très réaliste aujourd’hui même sur le long terme. C’est sans doute le choix le plus humaniste et le plus sympathique. Mais ça fait beaucoup de monde et aujourd’hui la France n’est pas dans une situation budgétaire telle qu’elle puisse trop se permettre ça. Et c’est contre ça, évidemment, que l’opinion publique réagit. Donc il y a une disparité entre la politique menée, ce qui se dit dans les médias et le politiquement correct qui s’instaure sur la chose et ce que disent les gens cette fois-ci en cachette du politiquement correct et ce qu’ils pensent. Je ne crois pas que des plaintes d’un commissaire européen arrangent les choses. Mais je ne vois pas très bien ce qui peut être fait de plus de ce qu’il y a aujourd’hui. Je trouve que c’est un peu injuste de parler de mauvais traitement en France pour les Roms par rapport à ce qu’ils ont pu subir en Roumanie et en Bulgarie. Franchement, je crois qu’il y a là une exagération de ce brave commissaire européen que, d’ailleurs, personne n’a jamais élu.