L'Ouzbékistan quitte l'OTSC pour partir à la recherche de soi-même

© RIA Novosti . Alexeï Nikolski / Accéder à la base multimédiaOrganisation du Traité de sécurité collective (OTSC)
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L'Ouzbékistan a une nouvelle fois décidé de quitter l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Les différends de plus en plus nombreux concernant l'élaboration d'une politique régionale commune des pays de l'OTSC sont venus s'ajouter à l'éloignement traditionnel entre Tachkent et Moscou.

L'Ouzbékistan a une nouvelle fois décidé de quitter l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Les différends de plus en plus nombreux concernant l'élaboration d'une politique régionale commune des pays de l'OTSC sont venus s'ajouter à l'éloignement traditionnel entre Tachkent et Moscou.

Cependant, le louvoiement permanent de l'Ouzbékistan entre la Russie et les Etats-Unis n'a toujours pas rapproché le pays gouverné par Islam Karimov de la position de leader régional clé.

Peu d'options disponibles

Jeudi dernier, il a été annoncé que l'Ouzbékistan suspendait son statut de membre de l'OTSC. "Une note du ministère ouzbek des Affaires étrangères a été envoyée à ce propos au secrétariat de l'OTSC le 20 juin", rapporte l'agence d'information locale Jakhon.

Commentant les raisons de cette décision, la presse russe met l'accent sur le désaccord de Tachkent avec la politique afghane de Moscou, ainsi que sur la position extrêmement prudente du président ouzbek Islam Karimov concernant l'intégration militaire et politique étroite des pays membres de l'OTSC.

De plus, Tachkent désapprouve l'aspiration de la Russie à former une entité telle que la voix commune de l'OTSC pour les problèmes régionaux. Les autorités ouzbèkes préfèrent une diplomatie bilatérale et refusent de déléguer une partie de leur souveraineté à Moscou.

Mais la situation implique tout de même des concessions en matière de souveraineté qui, si elles ne se font pas au profit de Moscou, se feront alors au profit de Washington.

Ça s'en va et ça revient

En fait, l'Ouzbékistan avait toujours son propre point de vue, très particulier, au sujet de l'OTSC. En 1999, Tachkent avait déjà quitté l'organisation en se lançant dans sa première "aventure", éphémère mais intense, avec la diplomatie américaine.

A l'époque, dans l'espace de la CEI, on mettait minutieusement en place une entité chimérique appelée GUUAM, représentant les premières lettres des pays membres: Géorgie, Ukraine, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et Moldavie.

On n'a jamais réussi à trouver ne serait-ce qu'un rôle interne à ce "bloc". GUUAM n'est resté qu'un groupe de pays jouant le rôle de saboteurs de la politique d'intégration prorusse dans l'espace postsoviétique. En parallèle, depuis quelque temps, se réglait un problème tactique concret: jusqu'en novembre 2005, les Américains ont utilisé en Ouzbékistan la base aérienne de Karchi-Khanabad pour le transit des frets à destination de l'Afghanistan.

En 2005, après la répression des émeutes de mai à Andijan, Washington a critiqué les autorités ouzbèkes (en se servant apparemment de ce prétexte pour exprimer les différends accumulés dans les relations bilatérales). Après cela, la présence américaine dans le pays a été rapidement réduite, le président Karimov s'est retourné vers le nord à la recherche d'aide, et Moscou a fait réintégrer Tachkent au sein de l'OTSC.

Mais aujourd'hui, le pendule balance du côté opposé, et qui sait si c'est pour la dernière fois. Après tout, le problème régional crucial actuellement impossible à régler pour les autorités ouzbèkes est la compétition implicite avec le Kazakhstan pour la place de puissance numéro 1 en Asie centrale. Une compétition qui n'était et n'est clairement pas à l'avantage de Tachkent.

Le régime de pouvoir personnel de Nazarbaïev a réussi à assurer au Kazakhstan une longue période de stabilité politique relative (qui paraît même merveilleuse par rapport à d'autres voisins asiatiques), ainsi qu'un rythme de croissance économique stable et élevé, qui vaut à ce pays la place de l'un des leaders affirmés dans l'espace postsoviétique.

Le régime de pouvoir personnel de Karimov ne peut pas se vanter d'un tel succès. En dépit d'une lutte plus ou moins réussie contre la déstabilisation intérieure et extérieure (la parade des attaques islamistes en 1999 et 2000, et la répression violente des émeutes à Andijan en 2005), l'Ouzbékistan a été incapable de créer les bases pour une croissance rapide des revenus de la population (une croissance économique substantielle s'est amorcée seulement au cours des 3-4 dernières années), et pour le renforcement de la légitimité du système politique et de son influence sur les voisins.

En Asie centrale, Astana s'oriente traditionnellement et constamment sur les actions communes avec Moscou, en remplissant ainsi la fonction d'un "gouverneur" russe dans la région. La situation convenait à tout le monde, à l'exception de Tachkent.

Ainsi, ce nouveau revirement dans la politique étrangère de l'Ouzbékistan ne refléterait qu'une chose: la recherche obstinée de ce pays de son rôle et de sa place dans la région. Ou, en adoptant une autre approche, une nouvelle tentative de faire correspondre la réalité à ses ambitions.

Qui court deux lièvres à la fois n'en attrape aucun

L'Asie centrale actuelle est un projet dans lequel il est plus facile d’entrer que d’en sortir. A l'époque, le gouvernement soviétique a fait les frais de cette thèse en envahissant l'Afghanistan avant de s'y enliser pour longtemps. Mais cette affirmation reste vraie et actuelle s'agissant de la "mission internationale des Américains".

Les Etats-Unis quittent l'Afghanistan en tentant d'appliquer le même schéma qu'en Irak, et avant cela au Vietnam (avec le succès qu'on connaît). Au début des années 1970 a été même adopté un terme contradictoire: "la vietnamisation du conflit en Indochine", qui signifiait l'endossement systémique par le gouvernement local loyal envers les Etats-Unis de la responsabilité de la guerre et l'adoption par Washington de la position de "ravitailleur", approvisionnant son allié en ressources. Tout s'est terminé en 1975, lorsque les troupes nord-vietnamiennes sont entrées dans le sud comme un couteau dans le beurre et se sont emparées de Saigon.

Même après le retrait des troupes et du matériel d'Afghanistan (ce qui s'est avéré bien plus difficile, notamment en raison de la déstabilisation croissante du transit sud, via le Pakistan), l'acquisition par Washington de son propre point d'appui (et non pas emprunté à la Russie) en Asie centrale est un objectif suffisant.

"L'afghanisation" de l'opération afghane est inévitable, et cela accroît les risques de déstabilisation de la région. Tout comme au Pakistan ou, par exemple, après chaque départ de militaires du gouvernement, le pays connaît une nouvelle période de troubles civils accompagnée par la perte de contrôle de régions tout entières et la hausse de la corruption, et au vu de sa proximité ethnique avec les pachtounes, c'est une cible convoitée par les islamistes radicaux de l'Afghanistan voisin. Or, cette fois la route vers le nord ne sera pas fermée non plus.

A la charnière du début du siècle, l'extrémisme islamique a déjà tenté, pas seulement de s'infiltrer, mais de s'ingérer directement et ouvertement dans le cœur même de l'Asie centrale – la vallée de Ferghana. A l'époque, cette tentative a été stoppée par des efforts solidaires, et c'est sur cette base qu'a mûri une certaine compréhension de la sécurité régionale conjointe, impliquant un rôle plus grand de la Russie dans la stabilisation des régimes locaux. Désormais, Tachkent fera reposer cette tâche sur les épaules des Américains.

En fait, Tachkent ne dispose pas de ressources suffisantes pour maintenir la stabilité dans la région (ni dans son propre Etat), et pour cette raison, il cherche désespérément une force qui pourrait remplir cette fonction. Paradoxalement, le louvoiement permanent pour chercher à devenir la puissance régionale numéro 1 prive l'Ouzbékistan de la liberté de manœuvre et le forcent à faire des concessions au profit d’autres acteurs importants représentés dans la région.

Même sans soulever la question de la stabilité politique du régime de Karimov, l'Ouzbékistan ne peut proposer qu'un seul avantage concurrentiel substantiel: son emplacement géographique dans la région.

Au final, les acteurs extérieurs sont condamnés à prendre en compte Tachkent, mais ils ne sont pas encore prêts à le considérer comme un leader régional affirmé, précisément en raison de son comportement imprévisible dans le contexte de la conservation des contradictions intérieures croissantes.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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